En prévision de la lecture de Purity, j'ai pris mon mal en patience en m'attelant à une précédente oeuvre de Jonathan Franzen, Freedom. Réputé comme un auteur américain majeur, nous n'avions cependant pas encore été formellement introduits. Freedom a donc eu pour rôle de pallier à ce regrettable contretemps.
Le synopsis
Entre les années 1970 et 2010, Freedom retrace l'histoire de la famille Berglund, en se concentrant sur le personnage de Patty.
Eprise de Richard, séducteur notoire sans attache, Patty noue bientôt une relation avec son meilleur ami, Walter, qui est quant à lui fou d'elle, et incarne le gendre parfait.
Patty et Walter fondent une famille, mais après des années relativement idylliques durant lesquelles Patty s'efforce de tenir le rôle de la mère dévouée et irréprochable, les choses se délitent, et ses vieux fantômes reviennent la hanter. Est-elle la femme idéale, ainsi que la perçoit Walter, est-elle froide et rigide, comme la voient leurs voisins, ou encore névrotique, portant les stigmates du désintérêt de ses parents? A travers cette fresque, Franzen nous livre les différents visages de Patty, et les interprétations qui en découlent.
Mon avis
Le roman de Franzen se classe directement dans la catégorie des fresques comme j'en ai lues ces derniers temps. Le ton et la trame peuvent s'apparenter à ce que l'on retrouve chez Lamb, chez Wolitzer découverte récemment, ou encore chez GRH dans City on Fire.
Il s'agit de suivre le parcours de plusieurs personnages qui se côtoient, dont une partie idéalement appartient à une même famille.
La particularité de Franzen est d'accorder une place prépondérante à l'analyse du personnage de Patty, et de lui laisser la parole, puisque certains pans du roman apparaissent véritablement comme relatés par Patty, qui fait mention de sa personne en nommant "l'autobiographe" et en employant la troisième personne du singulier.
Autre point d'intérêt, le regard parfois cynique, ou, à défaut, ironique, porté par le narrateur (soit perçu comme omniscient, soit perçu comme Patty elle-même) sur les éléments de l'intrigue et sur les protagonistes, ce qui se ressent au travers des pointes d'humour réalisées en parlant de l'un ou de l'autre, et crée une distance qui permet d'appréhender le récit avec une certaine légèreté, en nous détachant des personnages. En effet, Patty, comme Walter, comme Richard, comme Jessica ou Joey, sont à l'occasion tournés en dérision, si bien qu'il s'agit de les considérer en ayant conscience qu'ils sont nos pairs, mais en nous détachant néanmoins de leur sort et de leurs déboires.
La période de temps sur laquelle se déroule l'intrigue permet de se plonger dans les ambiguïtés des relations familiales et amoureuses, en disséquant leur infinie complexité, et ainsi aller au-delà de l'entendu et du convenable. On est dans un récit réaliste, qui a pour ambition de restituer les tribulations d'une famille de la classe moyenne américaine à la fin du XXe siècle, et y parvient très honnêtement.
A noter que la prose de Franzen est relativement factuelle, et ne verse guère dans l'épanchement et le lyrisme ; les états d'âme sont restitués de telle sorte que l'on y est tout extérieur, si bien que l'émotion ne se dégage pas véritablement de la lecture : il s'agit davantage de la trajectoire d'êtres imparfaits, et de leur condition.
Pour vous si...
- Vous appréciez les fresques familiales à l'américaine ; j'en ai beaucoup parlé dernièrement, on est toujours dans le même registre.
Morceaux choisis
"Patty n'avait jamais rencontré un homme aussi amoureux d'elle. Ce dont ils parlaient secrètement, bien sûr, c'était du désir de Walter de la toucher. Et pourtant, plus elle passait de temps avec lui, plus elle se rendait compte que même si elle n'était pas gentille - ou justement peut-être parce qu'elle n'était pas gentille, parce qu'elle aimait maladivement la compétition et était attirée par des choses malsaines - elle était une personne plutôt intéressante, au fond. Et Walter, en insistant avec tant d'ardeur sur ce côté intéressant, progressait indéniablement et allait finir par se rendre intéressant aux yeux de Patty."
"C'est ainsi que commencèrent les années les plus heureuses de leur vie. Pour Walter, surtout, ce fut une période vertigineuse. Il prit possession de la fille qu'il désirait, de la fille qui aurait pu aller avec Richard mais qui l'avait choisi, lui, et puis, trois jours plus tard, à l'hôpital luthérien, le combat de toute une vie contre son père prit fin avec la mort de ce dernier (Un père ne peut pas être plus vaincu que lorsqu'il est mort."
"Ayant juré à Jonathan qu'il ne coucherait pas avec Jenna, Joey se sentit protégé contre toute contingence pouvant survenir en Argentine. Si rien ne se passait, cela prouverait qu'il était un homme honorable. Si quelque chose se passait, il n'aurait pas à être triste ou déçu que rien ne se soit passé. Cela répondrait à la question, toujours ouverte dans son esprit, de savoir s'il était une personne dure ou douce, et ce que l'avenir avait en réserve pour lui."
Note finale
2/5
(pas mal)
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