Voici un roman qui figurait dans la première sélection du Goncourt 2014.
Le titre m'était resté en mémoire...
Certaines graines mettent du temps à germer.
Le synopsis
Simon Laroche arrive au paradis, et découvre son fonctionnement étrangement familier.
Jugé pour ses fautes humaines, ses actions sont passées au crible, et ce jugement lui permettra, espère-t-il, d'accéder au paradis.
Ses derniers mois, en parallèle, sont retracés, et notamment le cercle vicieux dans lequel il a sombré lorsqu'une phrase malheureuse l'a rendu cible des médias et des associations œuvrant à la défense des femmes.
Dans ce monde-là, internet fait loi, les ordinateurs peuvent se dérégler, et l'information devenir accessible à tous, exposée sur la place publique.
Mon avis
Le roman aborde de manière originale des thématiques passionnantes, c'est là, sans le moindre doute, sa plus grande force.
Les chapitres alternent l'arrivée de Simon au paradis, et ses derniers temps sur terre, offrant une progression rythmée réussie.
Le choix de l'auteur dans la représentation du paradis, mais aussi du purgatoire et de l'enfer, ne manque pas de cachet. Cette expérience de pensée est à mon sens réussie : elle repose sur la poursuite d'une forme de lutte des classes, incarnée par les différents espaces auxquels peuvent accéder les âmes des uns et des autres. Le fait que les espaces les plus rudimentaires soient réservés aux âmes en provenance des pays du tiers-monde parce qu'elles y sont habituées, et que le changement pour elle est moindre, est d'un cynisme à faire sourire.
Quant à la vie de Simon, elle permet d'introduire des réflexions autour de sujets comme le féminisme, abordé sous l'angle de la défense des droits des femmes et des mineurs opposée au recours à la pornographie, et à laquelle s'oppose la défense de la vie privée, au travers de la primauté accordée par certains personnages (dont Simon) à la confidentialité des données personnelles des internautes.
Le thème du contrôle des activités sur internet est tout à fait intéressant, et porte à réfléchir sur les évolutions possibles en la matière, démontrant la dimension actuelle du roman de Duteurtre. Les différentes postures sont certes incarnées par des personnages types, mais le tout est habilement conduit : le personnage de Simon notamment est crédible, de par ses paradoxes tout humains, il regarde du porno, mais se considère en faveur des droits des femmes, et certaines de ses idées ne sont pas dénuées de sens (en lien avec la protection des données personnelles). Un sujet que l'on imagine sans mal s'insérer dans nos vies désormais.
L'ordinateur du paradis est un roman piquant, qui a le mérite de toucher à des sujets sur lesquels il est difficile d'appliquer une grille de lecture manichéenne, et qui nous forcent pour cela à sortir de notre zone de confort, en considérant les différents points de vue qui se confrontent.
Pour vous si...
- Vous vous intéressez aux problèmes éthiques que pose la présence écrasante d'internet dans la vie moderne
Morceaux choisis
"_Pourtant, quand un utilisateur décide d'effacer certaines données, son ordinateur lui demande de confirmer cette opération, comme si elle était irrémédiable.
_Eh bien, cela lui donne l'illusion d'avoir détruit ses données... qui, pourtant, flottent toujours quelque part dans le cloud!"
"En réalité, comme tous les garçons de son âge, il bidouillait sa machine à la recherche de la confidentialité : noble mot qui permet d'enfreindre la loi, de télécharger des centaines d'heures de films et de musiques gratuites, ou de surfer sur des sites louches."
"Loin d'être monotone, ce débat avait égratigné l'union sacrée des féministes et des gays. Pendant quelques instants, on avait pu sentir le désaccord entre une conception masculine de la sexualité, et un projet féminin de strict contrôle de la libido au nom du respect mutuel." (Mais pourquoi, POURQUOI, les femmes de romans sont toujours soit incapables de faire face à la libido envahissante des hommes, soit débordées de libido et donc tacitement des putes?...)
"Vient toujours un moment où l'épouse regrette de ne pas s'être davantage occupée d'elle-même. Dans la situation où ils se trouvaient, la franchise n'était plus très loin de la méchanceté."
"_Non, monsieur. Ici, vous êtes en enfer et rien ne change jamais. Le changement, le mouvement, la nouveauté, tout cela est réservé au paradis! Et ne parlons pas de la rationalisation des transports!"
Note finale
3/5
(cool)
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