Le dernier roman de Céline Minard a recueilli des réactions partagées dans la presse, ainsi que dans mon entourage. Une occasion en or d'avoir de quoi gloser en soirée, je ne pouvais raisonnablement pas manquer ça : c'est un peu l'impératif social qui pousse à tester le dernier Five Guys à Bercy, ou à voir l'expo Chtchoukine (apparemment il ne faut pas prononcer le "cht" du début) à la Fondation Louis Vuitton.
Ou presque.
Le synopsis
Une femme entreprend une vie en solitaire, dans un refuge à flanc de falaise, où ses journées sont une succession de gestes destinés à assurer sa survie, entrecoupées de réflexions existentielles.
Mon avis
Curieuse lecture que celle du Grand Jeu!
Le récit propose d'explorer l'expérience d'un retour à la nature, à une condition presque primitive dans la mesure où la protagoniste doit subvenir à ses besoins en semant et cultivant, à cela près que le refuge dans lequel elle vit abrite des dispositifs technologiques utiles à son quotidien.
On trouve dans ces gestes répétés et presque mécaniques une routine rassurante, une réconciliation avec la terre, en quelque sorte : l'isolement de la narratrice est complet, la description de son environnement et de ses moindres mouvements retranscrit l'ambiance particulière qui règne dans ce coin de montagne à l'écart des hommes, et le lien qui se forge entre la femme et son habitat.
La solitude qui l'enveloppe est, comme on l'imagine, propice à la réflexion, si bien que les interrogations de la narratrice parsèment le récit, et touchent à des sujets graves, métaphysiques. Récit qui m'a semblé, de fait, plutôt abrupt, alternant les paragraphes descriptifs et les questions philosophiques, échappant à une structure progressive classique.
Les questions que pose le roman, récurrentes dans la littérature du nature writing, concernent le rapport de l'homme à la nature, mais aussi les possibilités d'existence en marge de la société, ce qui peut faire penser notamment au Voyage au bout de la solitude, dans un style différent bien entendu, et à d'autres livres encore.
A noter, cependant, que l'abord n'est pas si aisé, et que le roman peut donner le sentiment d'être un peu lunaire, une sorte d'ovni littéraire. Il faut passer outre, pour y discerner l'intérêt qu'il présente, à condition de concevoir une curiosité pour le sujet.
Pour vous si...
- L'idée d'un roman au croisement du nature writing et de l'anticipation vous intrigue
- Vous n'êtes pas allergique aux récits descriptifs
Morceaux choisis
"Je ne suis pas millionnaire. Je ne m'en soucie pas. La forme de la question n'est supportable que lorsqu'on se l'applique à soi-même. Tous les matins, il faut se souvenir qu'on rencontrera un ingrat, un envieux, un imbécile - tant qu'on est en position de croiser un homme.
Tous les matins, il faut se demander : qui suis-je? Un corps? Une fortune? Une réputation? Rien de tout cela. Qu'ai-je négligé qui conduit au bonheur?"
"Ni la menace ni la promesse ne peuvent être ignorées. C'est le putsch de l'autre contre soi. Ou de soi contre soi. Une prise de pouvoir.
Une menace est un guide précis. Et une promesse?"
"J'ai essayé. On ne peut pas jouer seul aux échecs. On ne peut pas s'oublier au point de se surprendre. Peut-on s'oublier au point de s'accueillir?"
Note finale
2/5
(pas mal)
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