La Bibliothèque Orange a encore frappé, et m'emmène ce mois-ci sur les traces de Marie Curie et de sa sœur Bronia Dluska. Et donc, par extension, vous également. Et oui, c'est ça la solidarité ; si je trime, vous aussi, y'a pas de raison. Dois-je vous rappeler pour qui je fais tout ça? (cette question est rhétorique, s'entend)
Le synopsis
Le roman retrace les parcours (ou les destins, d'après la première de couverture, ça fait plus chic) des deux sœurs Skłodowska, polonaises, devenues à la faveur de leurs mariages respectifs Bronia Dluska et Marie Curie.
L'auteur raconte brièvement leur enfance en Pologne, avant de relater leur venue à Paris, Bronia d'abord puis Marie, et les tribulations qu'elles ont connues, chacune étant sérieusement investie dans son domaine d'activité, et tâchant de mener de front cette contribution et les affres de leur vie personnelle (surtout pour Bronia, mais bon, Marie a eu ses périodes aussi. Spoiler alert : je fais allusion à une liaison avec un scientifique de renom et marié de surcroît, à une grosse relou visiblement ; en tout cas l'auteur ne fait rien pour nous la rendre sympathique. Pauvre Jeanne.).
Mon avis
La couverture aux tons grisâtres hérités des vieilles photographies laissait présager une autobiographie un peu austère.
Et bien, à cet égard, le lecteur n'est pas trompé sur la marchandise.
N'allons pas trop vite en besogne : je n'entends pas par là que le livre est mauvais ou inintéressant, bien au contraire, il est passionnant de découvrir l'histoire de Marie Curie ainsi que celle de Bronia Dluska, à laquelle l'auteur rend un bel hommage en ne la consignant pas à l'ombre de sa sœur. Néanmoins, il faut bien constater que l'auteur ne s'autorise pas de fantaisie de style, et si l'exercice est réussi, il faut donc s'attendre en entreprenant la lecture à un classique du genre.
Il est ingénieux d'avoir songé à construire en parallèle les deux histoires de Marie et de Bronia, en les appréhendant depuis le prisme de leur relation très proche, privilégiée, et en exploitant pour cela leur correspondance, qui semble avoir été abondante. Ainsi, le lecteur sait d'elles avant leur carrière éblouissante, les vicissitudes de leur quotidien, leurs doutes, leurs espoirs, leurs déceptions, à l'instar du premier amour de Maria (car Marie est en réalité Maria), confrontée à de potentiels beaux-parents qui refusent que leur fils épouse une fille sans biens (le garçon est devenu ensuite un mathématicien de renom, mais tout de même, on imagine la contrition des parents quelques décennies plus tard...Et oui, c'était une bourde!).
L'entraide entre les sœurs n'est pas anodine : alors que Bronia fait ses études à Paris, elle subsiste grâce à l'argent que lui envoie Maria, qui enchaîne les petits boulots en Pologne. Une fois que Bronia est diplômée et a une situation, Maria, d'abord découragée par ses déboires amoureux qui la plongent dans un état proche de la dépression, rejoint sa sœur, et mène ses propres études à son tour.
Elle fait donc de la physique, et rencontre Pierre Curie, qui tombe amoureux d'elle. Ils mènent leurs travaux conjointement, mais Pierre est systématiquement nommé seul, tant il est inusuel qu'une femme officie dans ce domaine et se voie décerner des honneurs. Pourtant, peu à peu, la renommée de Marie grandit également.
Un jour, Pierre meurt bêtement (désolée, je ne vois pas d'autre qualificatif...) sous les roues d'un camion (épisode intéressant où l'on voit que le conducteur manque de se faire lyncher par la foule, lorsque le bruit se répand que c'est Pierre Curie qui vient d'être écrasé) et précocement.
La vie de Marie ne s'arrête pas là pourtant, puisqu'elle obtient la chaire occupée par Pierre, et continue les travaux entrepris.
J'ignorais l'inflexion prise par sa vie après la mort de son époux, son rapprochement avec Paul Langevin, et le dénigrement que cela lui avait valu dans la presse et l'opinion publique.
Quant à Bronia, elle rédige une thèse sur l'allaitement, s'implique dans la médecine, met sur pied un sanatorium, aide Marie à créer l'institut du radium... Sa vie est trépidante, ponctuée de drames personnels (la mort de sa fille Helena), elle reflète son intelligence, sa volonté et sa hardiesse. Une figure imposante, qui n'a pas à rougir de ses accomplissements en comparaison de ceux de sa sœur.
J'ai donc été convaincue par l'approche choisie, qui met en avant l'humanité et les faiblesses de ces deux femmes dépassées par leur mythe, que l'Histoire a retenu, et leur tendre complicité, immuable à l'épreuve du temps. Une lecture, donc, fort instructive!
Pour vous si...
- Vous savez l'empreinte laissée dans l'Histoire par Marie Curie, sans toutefois connaître l'histoire de la femme derrière la physicienne
Morceaux choisis
"Le refus des parents de Casimir Zorawski terrasse Maria comme la foudre. Parce qu'elle vient d'une famille désargentée, elle ne pourrait pas vivre sa vie? A dix-neuf ans, elle comprend qu'elle ne connaîtra jamais le bonheur. Son avenir est tracé : elle donnera des cours tant bien que mal et les années s'écouleront platement, sans réalisation personnelle. Adieu les ambitions. Adieu l'amour. C'est comme ça. C'est fini."
"[Bronia Dluska] insiste : allaitement oui, de la mère vers son enfant. Il faut contrer le système des nourrices. C'est un scandale qu'elles donnent leur lait au lieu de le garder pour leurs propres nouveau-nés : "Il est d'intérêt capital pour toute la société, pour l'humanité entière, que tous les enfants soient élevés au sein. Mais pour que l'allaitement atteigne ce degré de généralisation, il faut qu'il soit maternel ; en effet, quel profit pour la société, si un enfant riche est élevé aux dépens de la vie d'un enfant pauvre? Elles prennent des nourrices sans songer que souvent elles signent un arrêt de mort pour les enfants de ces malheureuses victimes de l'injustice sociale."
"Pierre Curie est amoureux. Il destine à Marie une cour discrète et commence par lui offrir son article: "Sur la symétrie dans les phénomènes physiques. Symétrie d'un champ électrique et d'un champ magnétique." (Un grand sens du cadeau, ce Pierre)
Note finale
2/5
(pas mal)
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