mercredi 25 janvier 2017

Aquarium, David Vann

Le retour de David Vann, je pourrais vous en faire un poème... (mais cela serait-il souhaitable pour l'état de l'art? Je ne crois pas...)
Je n'ai de cesse de vous dire la passion puissante, volcanique que je conçois pour lui (plus précisément, pour ses écrits).
Voici l'occasion parfaite de la voir à l'oeuvre. 


Libres pensées...

Le synopsis d'Aquarium ne ressemble pas à ce que l'on connaît déjà de Vann : une adolescente de 12 ans, Caitlin, vit seule avec sa mère Sheri, et passe son temps libre à l'aquarium, où elle observe tous les poissons qui le peuplent. Elle y rencontre un jour un vieil homme et se lie d'amitié avec lui. En parallèle, des sentiments nouveaux éclosent pour sa camarade d'école.

David Vann évoque son roman en disant qu'il est le premier à n'être pas une tragédie.
Ne croyez pas pour autant que vous avez affaire à une promenade de santé.
Vann excelle à peindre les remous de l'âme humaine, et des relations familiales, sujet déjà exploré dans Sukkwann Island, Goat Mountain et Impurs, en complément de la confrontation de l'homme et de la nature, grand sujet de prédilection traité avec une grande force dans l'ensemble de son oeuvre.

Ici, cette nature écrasante et reine n'occupe pas la même place : elle est présente néanmoins, à travers les poissons et l'adoration que Caitlin leur voue, et dans le cadre choisi pour la dernière partie de l'intrigue, où les protagonistes se retrouvent dans un lieu isolé au milieu de la forêt.

En revanche, les relations familiales sinueuses sont au cœur du roman : les relations entre Caitlin et sa mère Sheri d'une part, mais aussi et surtout celles entre Sheri et le vieil homme, et, pour finir, entre Caitlin et le vieil homme.

En marge, la relation amoureuse naissante entre Caitlin et son amie rappelle également les troubles adolescents souvent évoqués par Vann, et vient modifier le rapport de Caitlin à ses proches, notamment à sa mère.

Car la constante chez Vann est la violence. Violence plus ou moins contenue, en puissance puis exprimée, qui abîme les relations de toute nature, révèle les non-dits oppressants, et peut même faire sombrer les êtres dans une forme d'aliénation : ainsi l'épisode suffocant où une Sheri bien portante impose à sa fille Caitlin le quotidien qu'elle a subi jeune fille, alors que son père était parti et que sa mère était mourante, et qu'elle devait la prendre en charge dans tous les aspects du quotidien, passage qui est sans doute l'un des plus traumatisants du roman - car, oui, les romans de Vann sont bien souvent traumatisants, en ce qu'ils lèvent le voile sur une part habituellement invisible ou non assumée de la condition humaine.

Alors, bien sûr, l'issue n'est pas tragique, et c'est inédit.
Pour autant, ce qui nous est raconté l'est dans chacune de ses lignes. La vie de Sheri est éminemment tragique, la tentative menée par le vieil homme semble vouée à l'échec, et porte en elle quelque chose de tragique, parce qu'il n'est plus temps de réparer le mal qui a été fait, qui a inexorablement fêlé un être.
Dans un monde où l'absolution paraît inaccessible, il ne reste aux hommes que la consolation de la beauté, du silence, comme ceux des fonds sous-marins dont rêve Caitlin.


Pour vous si...
  • Vous avez le cœur bien accroché - les romans de Vann ne laissent pas intact...

Morceaux choisis

"La triste étendue de notre stupidité est accablante. Mais quand je contemple une méduse lunaire, sa constellation en ombrelle qui pulse dans la nuit infinie, je me dis que tout ira bien, peut-être."

"Tout le mal en ce monde vient des hommes, dit ma mère. Il faut que tu le saches. Toute la violence, toute la peur, tout l'esclavage. Tout ce qui nous écrase."


Note finale
4/5
(excellent)

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