En Janvier, le Grand Prix des Lectrices m'entraîne sur les traces de Camus et de son Etranger...
La démarche est ambitieuse : l'auteur se propose de créer la "biographie" d'un roman, et pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit de L'Etranger de Camus.
En toile de fond, je pense immédiatement au projet de Kamel Daoud de revisiter l'histoire depuis le point de vue d'un homme qui se dit être le frère de l'Arabe abattu par Meursault, auquel on a refusé jusqu'au nom (Contre-enquête, très réussi).
Mais ici, c'est dans le réel que l'on est plongé, auprès d'Albert Camus, et l'on assiste à ses espoirs comme à ses vicissitudes, à ses débuts d'écrivain après s'être détourné de son projet de devenir professeur de philosophie. On découvre les relations qu'il entretient avec des hommes qu'il admire, à l'instar de son professeur Grenier, la réception par ces derniers de son premier roman, qui déjoue toutes les règles de l'art, jusqu'à la publication par Gallimard, et son implication dans l'édition puisqu'en période de guerre, le papier vient à manquer.
L'auteur met en exergue les parallèles qui peuvent être faits entre l'oeuvre et la vie de Camus, son lien avec sa mère notamment, le fait divers qui lui a inspiré l'intrigue de L'Etranger, le regard qu'il porte sur l'Algérie et sur Oran, où il s'ennuie ferme.
En quête de l'Etranger retrace la genèse de l'une des grandes œuvres du XXe siècle, la démarche est documentée et pose des questions intéressantes, tâchant de capturer les motivations de l'écrivain, son état d'esprit et ses états d'âme, et la compréhension du caractère inédit du roman par ses pairs de l'époque. En effet, les commentaires adressés par Grenier sont édifiants, dans la mesure où l'ancien enseignant ne semble pas mesurer le chef d'oeuvre qu'il tient entre les mains, et l'ausculte, l'examine à l'aune des critères de la littérature classique dont il est familier.
Face aux réactions suscitées, Camus se montre ferme sur sa décision de persévérer dans l'écriture, ce qui ne laisse pas d'émouvoir le lecteur, quand on sait que là se joue l'engagement de l'auteur en littérature.
L'enquête menée par Alice Kaplan est très convaincante, et peut, je pense, séduire un large public, au-delà des connaisseurs et adorateurs de Camus, car elle n'exclue pas et n'est en rien élitiste dans son traitement, comme on aurait pu le redouter. Une jolie surprise!
"Il manque à la formation philosophique de Camus la profondeur et la rigueur qu'on lui aurait sans doute enseignées à Paris. Mais cette manière de ne pas se conformer tout à fait aux raisonnements de la philosophie formelle constitue aussi un trait de son caractère.
[...] Même à l'époque où il envisage encore une carrière de professeur de philosophie, dans l'espoir qu'elle lui laissera du temps pour mener à bien une oeuvre créatrice, il note dans ses carnets : "Si tu veux être philosophe, écris des romans"."
"Comme la plupart des écrivains travaillant à un roman, Camus traîne partout son histoire avec lui. Comprenant que son Meursault doit finir sur l'échafaud, il se met à voir des condamnations à mort partout."
"Camus s'en tient à son plan : l'attention de Meursault se porte exclusivement sur le monde extérieur. De même qu'il a remarqué les chevalets qui supportaient le cercueil de sa mère, Meursault fixe à présent son regard sur le couteau de l'Arabe qui luit au soleil. C'est là toute la beauté d'un narrateur dépourvu de vie intérieure : le monde qui l'entoure remplace les réflexions, les analyses, les sentiments."
Libres pensées...
La démarche est ambitieuse : l'auteur se propose de créer la "biographie" d'un roman, et pas n'importe lequel, puisqu'il s'agit de L'Etranger de Camus.
En toile de fond, je pense immédiatement au projet de Kamel Daoud de revisiter l'histoire depuis le point de vue d'un homme qui se dit être le frère de l'Arabe abattu par Meursault, auquel on a refusé jusqu'au nom (Contre-enquête, très réussi).
Mais ici, c'est dans le réel que l'on est plongé, auprès d'Albert Camus, et l'on assiste à ses espoirs comme à ses vicissitudes, à ses débuts d'écrivain après s'être détourné de son projet de devenir professeur de philosophie. On découvre les relations qu'il entretient avec des hommes qu'il admire, à l'instar de son professeur Grenier, la réception par ces derniers de son premier roman, qui déjoue toutes les règles de l'art, jusqu'à la publication par Gallimard, et son implication dans l'édition puisqu'en période de guerre, le papier vient à manquer.
L'auteur met en exergue les parallèles qui peuvent être faits entre l'oeuvre et la vie de Camus, son lien avec sa mère notamment, le fait divers qui lui a inspiré l'intrigue de L'Etranger, le regard qu'il porte sur l'Algérie et sur Oran, où il s'ennuie ferme.
En quête de l'Etranger retrace la genèse de l'une des grandes œuvres du XXe siècle, la démarche est documentée et pose des questions intéressantes, tâchant de capturer les motivations de l'écrivain, son état d'esprit et ses états d'âme, et la compréhension du caractère inédit du roman par ses pairs de l'époque. En effet, les commentaires adressés par Grenier sont édifiants, dans la mesure où l'ancien enseignant ne semble pas mesurer le chef d'oeuvre qu'il tient entre les mains, et l'ausculte, l'examine à l'aune des critères de la littérature classique dont il est familier.
Face aux réactions suscitées, Camus se montre ferme sur sa décision de persévérer dans l'écriture, ce qui ne laisse pas d'émouvoir le lecteur, quand on sait que là se joue l'engagement de l'auteur en littérature.
L'enquête menée par Alice Kaplan est très convaincante, et peut, je pense, séduire un large public, au-delà des connaisseurs et adorateurs de Camus, car elle n'exclue pas et n'est en rien élitiste dans son traitement, comme on aurait pu le redouter. Une jolie surprise!
Pour vous si...
- Vous vous demandez comment se construit un mythe...
- ...et n'êtes pas du genre à vous contenter de réponses évasives ou théoriques!
Morceaux choisis
"Il manque à la formation philosophique de Camus la profondeur et la rigueur qu'on lui aurait sans doute enseignées à Paris. Mais cette manière de ne pas se conformer tout à fait aux raisonnements de la philosophie formelle constitue aussi un trait de son caractère.
[...] Même à l'époque où il envisage encore une carrière de professeur de philosophie, dans l'espoir qu'elle lui laissera du temps pour mener à bien une oeuvre créatrice, il note dans ses carnets : "Si tu veux être philosophe, écris des romans"."
"Comme la plupart des écrivains travaillant à un roman, Camus traîne partout son histoire avec lui. Comprenant que son Meursault doit finir sur l'échafaud, il se met à voir des condamnations à mort partout."
"Camus s'en tient à son plan : l'attention de Meursault se porte exclusivement sur le monde extérieur. De même qu'il a remarqué les chevalets qui supportaient le cercueil de sa mère, Meursault fixe à présent son regard sur le couteau de l'Arabe qui luit au soleil. C'est là toute la beauté d'un narrateur dépourvu de vie intérieure : le monde qui l'entoure remplace les réflexions, les analyses, les sentiments."
Note finale
4/5
(très bon)
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