C'est décidé, c'est février, je pète un plomb, et je fais du scandale sur le blog.
Et quoi de mieux, pour faire du scandale, que de sortir la carte Le Pen?
Une précision avant de commencer : j'ai appris, comme beaucoup je pense, à mépriser/haïr le clan Le Pen dès mon plus jeune âge. Pour les positions xénophobes/racistes qui leur sont attribuées dans la presse, pour l'historique du père notamment sur le sujet des camps de concentration, et pour d'autres motifs approchants tout aussi joyeux.
Pour autant, j'ai été conduite à réaliser, au cours des derniers mois, que ma connaissance des idées défendues par le Front National était relativement maigre. La pensée m'est donc venue que je devais procéder en politique comme en littérature, et suivre par là même ma grande devise : il faut connaître pour pourrir.
Me voilà donc affublée d'une mission pas si drôle : combler mes lacunes, et me familiariser avec la ligne politique du mouvement, ses positions sur les sujets majeurs, afin de pouvoir en juger en connaissance de cause.
Lire le programme du FN sur internet constituait une option, sans doute la plus logique, mais un concours de circonstances m'ayant mise face à l'autobiographie de Marine, j'y ai vu l'opportunité de progresser dans ma mission d'une manière plus plaisante, quoique légèrement détournée. Le biais de la démarche : elle se centre dès lors sur une personne plutôt que sur un parti, et conduit à entremêler des dimensions qui ne devraient pas l'être, dans la mesure où l'on n'élit pas un président pour l'histoire de sa vie... Mais je fais le pari de réussir à démêler tout ça après la lecture!
Loin du positionnement de Hollande en 2012 comme le candidat de la normalité, Marine Le Pen a tôt fait de démontrer en quoi être la fille de son père empêchait dès l'origine toute tentative de normalisation. Le récit s'ouvre sur l'attentat dont est victime la famille Le Pen (et leurs voisins) en 1976, et donne à voir le point de vue de la petite fille qu'est alors Marine Le Pen : pour n'importe qui, un tel événement est traumatique, et "fondateur", car elle prend conscience, du haut de ses huit ans, que l'on veut du mal à son père, et que la menace pèse sur toute sa famille.
La stigmatisation dont elle fait l'objet est récurrente dans le récit, et se décline dans tous les milieux qu'elle traverse, de sorte que l'on réalise, d'une part, l'isolement qu'elle a pu créer, et la responsabilité collective que l'on peut endosser à cet égard, car la réaction de rejet lui est adressée de toutes parts. Cela éclaire la place faite dans sa vision à la laïcité, et en particulier la neutralité politique en milieu scolaire, sur laquelle elle insiste systématiquement.
Car, lorsque l'on analyse le parcours de Marine Le Pen, il apparaît que les possibilités d'échapper à sa filiation et d'avoir une "vie normale" étaient très réduites. A titre d'exemple, à l'issue de ses études de droit, quand elle devient avocate, il ne se trouve nul cabinet prêt à engager la fille de Le Pen, si bien qu'elle doit compter sur le réseau de son père pour sortir de l'impasse.
Vous me direz, doit-on vraiment plaindre quelqu'un qui a un réseau suffisant pour trouver un job dans un cabinet d'avocats? Certes, certes. Néanmoins, cet aspect ne me surprend pas. En revanche, je n'avais jamais vraiment pensé au nombre de portes fermées qu'a pu rencontrer Marine Le Pen dans sa vie du fait de son nom et du lien de parenté avec Jean-Marie, et c'est cela qui m'intéresse ici. Parce qu'au fil de cette lecture, j'ai eu l'impression d'entrevoir les fondements du mythe Le Pen, qui découle en grande partie de cette hostilité, de la violence dont elle a pu faire l'objet, et qui pose la question du sort fait aux enfants de "personnalités controversées", je renvoie d'ailleurs pour cela à la chronique bien sentie de Nicolas Bedos.
Le mythe en question repose notamment sur une image de femme forte, intelligente, et, pour beaucoup, vicieuse. Bien entendu, l'autobiographie ne reprend pas cette dernière caractéristique.
Elle a néanmoins le mérite de dire de manière claire les piliers de la pensée FN : le patriotisme, la justice et la méritocratie (Marine Le Pen se décrit plus jeune comme une "avocate éprise de justice et scandalisée par la corruption qui gangrenait les différentes sphères du pouvoir"), la laïcité, la réalité du quotidien des "vrais gens" en quelque sorte (est dénoncée une gauche ignorante de la réalité du terrain, notamment de l'immigration, une gauche renvoyée à une intelligentsia sectaire qui se moque du principe de réalité), la transmission de son patrimoine, la valeur du travail, le rejet de toute forme de communautarisme.
Les prises de position négationnistes de son père deviennent une maladresse : "mon père, enfant de la guerre, relativise", il renvoie à la "conscience que l'on est bien peu de choses", et Marine Le Pen reconnaît qu'il faut "faire preuve de délicatesse envers nos compatriotes juifs".
Quant aux autres sujets habituellement polémiques, ils sont eux aussi précisés : on croise pêle-mêle la vision de l'émergence d'une nation musulmane, incompatible avec la République française (la nation étant définie par la cohésion culturelle de son peuple, ce qui justifie l'argument un poil fallacieux selon lequel les vagues d'immigration en provenance de l'Espagne ou de l'Italie auraient donné lieu à une intégration irréprochable, tandis que celles provenant du Maghreb se seraient traduites par le renforcement du communautarisme), l'immigration "sauvage et débridée" est d'ailleurs perçue comme "complice du grand capital" (pour un peu, on se croirait dans Marx...Oo), car la venue de travailleurs peu qualifiés serait un moyen de faire pression à la baisse sur le travail manuel des Français, immigration qui est largement évoquée car il s'agit, selon Marine Le Pen, de l'un des problèmes "les plus graves et les plus lourds de conséquences" pour la France.
La mondialisation est âprement rejetée, et, point bonus, la réflexion autour de l'avortement est édifiante : Marine Le Pen aurait à cœur de donner aux femmes la possibilité d'élever leur enfant, et de ne pas se soumettre à la pression de la société les conduisant à avorter par exemple quand elles n'ont pas les moyens de l'élever. Elle propose également de redonner aux femmes le choix de travailler ou pas (aucune mention des hommes, eux ils veulent tous travailler et d'arrache-pied, c'est connu).
Croyez-le ou non, mais je suis assez contente d'avoir lu ce bouquin. En premier lieu, parce que l'on ne peut se contenter, face à un parti et une personnalité qui l'incarne, rassemblant une proportion non négligeable de Français, de jouer la carte du mépris et de la diabolisation. Dernièrement, les sondages (avec toute la confiance que l'on peut leur faire, autant dire que l'information est à considérer avec des pincettes) donnent Marine Le Pen en tête au premier tour de l'élection présidentielle à venir. Après m'être plongée dans son récit et avoir pris connaissance des grandes idées qu'elle défend, je suis surprise de constater que les valeurs mises en exergue sont finalement communes à nombre de candidats et de partis : le sens de la justice et de la laïcité en particulier.
Toutefois, le discours sous-tendu par ces idées distingue les partis, et l'on observe que les conclusions tirées de faits objectifs peuvent être très distinctes : les propositions pour la justice n'ont rien à voir entre elles, l'importance de la méritocratie prônée par Le Pen ne la conduit pas néanmoins à remettre en cause l'héritage, dont Piketty a démontré qu'il creusait les inégalités de manière flagrante et irrattrapable. Quant au volet de l'immigration... Disons qu'un électeur FN se doit de regarder le programme du parti dans les détails à cet égard, tant les conséquences seraient graves dans l'éventualité de l'application d'un tel projet.
Un enjeu majeur, pour Marine Le Pen, est de démontrer que le vote FN "est un vote d'adhésion et non de réaction", indispensable pour asseoir sa crédibilité et sa légitimité. Aujourd'hui, je pense que les autres partis considèrent fermement que le vote FN est un vote de réaction (je ne saurais d'ailleurs me positionner à ce sujet, n'étant personnellement pas dans la cible, vous l'aurez compris...). Il me semble crucial, parce que nous parlons d'une élection et donc d'un processus démocratique, de garantir que ce vote est bien un vote d'adhésion, d'abord parce qu'il me semblerait absurde qu'un candidat arrive au pouvoir simplement pour manifester un mécontentement à l'égard des autres candidats, plutôt que pour une croyance ferme dans les idées défendues par le candidat élu, et ensuite parce que les autres candidats, et les autres partis, doivent prendre leur part de responsabilité dans ce désenchantement ambiant à l'égard de la politique dont on qualifie largement le peuple Français depuis quelques années.
Pour cela, il est important de cesser de voir dans le FN un parti presque "sulfureux" et provocateur, et de reconnaître son existence sur l'échiquier politique. Connaître les idées défendues et les mesures proposées est une étape essentielle. Sinon, cela revient à participer de la diabolisation qui, in fine, rend séduisant, voire fascinant, constitue une possibilité de "se faire peur", d'exprimer une contestation qui peut avoir bien peu à voir avec un projet politique quant à lui très réel.
Finalement, j'ai vu dans l'autobiographie de Marine Le Pen une figure qui me rappelle celle de Drago Malefoy (true story): des convictions très ancrées et revendiquées, largement héritées de ses aïeux, qui n'avait guère d'autre possibilité que de marcher dans leurs pas, tant la réputation de son père est répandue et source de clivages qui le frappent de plein fouet (certains le haïssent sans même le connaître). Une personnalité forgée dans l'adversité, donc, à la différence cependant que Marine Le Pen clame une proximité avec les classes populaires qui ne viendrait pas à l'idée de Drago. Cela me rend d'ailleurs perplexe : Marine Le Pen appartient à son tour à une élite qu'elle dénonce, car elle n'a pas grandi dans les milieux populaires qu'elle défend, elle est issue d'un milieu extrêmement politisé, a fait des études, est brillante. Elle n'est finalement pas si éloignée, dans son parcours, d'autres politiciens qu'elle condamne, quand bien même elle ne sortirait pas de l'ENA.
C'est tout pour aujourd'hui, je vais maintenant me replonger dans le monde merveilleux du non-politique, parmi les rêveurs, et passer en boucle la BO de La la Land.
Mes amitiés.
"Le "beauf de gauche" se moque du principe de réalité et défend les principes éternels sans jamais chercher à mesurer leurs effets sur le terrain."
"La pratique religieuse d'un personnage politique doit demeurer de l'ordre du privé."
"La mondialisation, enfant chérie de la gauche internationaliste, est évidemment la mort des classes populaires."
"La gauche a trahi la cause des femmes en se faisant la complice d'une immigration qui a importé, aussi, l'islamisme avec elle, et les renvoie à une condition de soumission inconnue jusque-là en Occident." (hum. C'est vrai que les femmes n'ont jamais connu la soumission en Occident...A ceux qui en douteraient, je vous renvoie la bouche en cœur vers l'Histoire du travail des femmes de Françoise Battagliola, pour ne parler que de l'accès au travail, mais tout ce qui tourne autour de l'histoire des droits des femmes est également instructif pour comprendre en quoi, non, les femmes n'ont pas de tout temps été de tout temps libres en Occident - le sont-elles toutes aujourd'hui? - et que la religion catholique notamment n'a pas exactement contribué à leur émancipation).
"Le FN, s'il fut un jour un parti d'extrême droite, est aujourd'hui un grand parti populaire".
Et quoi de mieux, pour faire du scandale, que de sortir la carte Le Pen?
Libres pensées
Une précision avant de commencer : j'ai appris, comme beaucoup je pense, à mépriser/haïr le clan Le Pen dès mon plus jeune âge. Pour les positions xénophobes/racistes qui leur sont attribuées dans la presse, pour l'historique du père notamment sur le sujet des camps de concentration, et pour d'autres motifs approchants tout aussi joyeux.
Pour autant, j'ai été conduite à réaliser, au cours des derniers mois, que ma connaissance des idées défendues par le Front National était relativement maigre. La pensée m'est donc venue que je devais procéder en politique comme en littérature, et suivre par là même ma grande devise : il faut connaître pour pourrir.
Me voilà donc affublée d'une mission pas si drôle : combler mes lacunes, et me familiariser avec la ligne politique du mouvement, ses positions sur les sujets majeurs, afin de pouvoir en juger en connaissance de cause.
Lire le programme du FN sur internet constituait une option, sans doute la plus logique, mais un concours de circonstances m'ayant mise face à l'autobiographie de Marine, j'y ai vu l'opportunité de progresser dans ma mission d'une manière plus plaisante, quoique légèrement détournée. Le biais de la démarche : elle se centre dès lors sur une personne plutôt que sur un parti, et conduit à entremêler des dimensions qui ne devraient pas l'être, dans la mesure où l'on n'élit pas un président pour l'histoire de sa vie... Mais je fais le pari de réussir à démêler tout ça après la lecture!
Loin du positionnement de Hollande en 2012 comme le candidat de la normalité, Marine Le Pen a tôt fait de démontrer en quoi être la fille de son père empêchait dès l'origine toute tentative de normalisation. Le récit s'ouvre sur l'attentat dont est victime la famille Le Pen (et leurs voisins) en 1976, et donne à voir le point de vue de la petite fille qu'est alors Marine Le Pen : pour n'importe qui, un tel événement est traumatique, et "fondateur", car elle prend conscience, du haut de ses huit ans, que l'on veut du mal à son père, et que la menace pèse sur toute sa famille.
La stigmatisation dont elle fait l'objet est récurrente dans le récit, et se décline dans tous les milieux qu'elle traverse, de sorte que l'on réalise, d'une part, l'isolement qu'elle a pu créer, et la responsabilité collective que l'on peut endosser à cet égard, car la réaction de rejet lui est adressée de toutes parts. Cela éclaire la place faite dans sa vision à la laïcité, et en particulier la neutralité politique en milieu scolaire, sur laquelle elle insiste systématiquement.
Car, lorsque l'on analyse le parcours de Marine Le Pen, il apparaît que les possibilités d'échapper à sa filiation et d'avoir une "vie normale" étaient très réduites. A titre d'exemple, à l'issue de ses études de droit, quand elle devient avocate, il ne se trouve nul cabinet prêt à engager la fille de Le Pen, si bien qu'elle doit compter sur le réseau de son père pour sortir de l'impasse.
Vous me direz, doit-on vraiment plaindre quelqu'un qui a un réseau suffisant pour trouver un job dans un cabinet d'avocats? Certes, certes. Néanmoins, cet aspect ne me surprend pas. En revanche, je n'avais jamais vraiment pensé au nombre de portes fermées qu'a pu rencontrer Marine Le Pen dans sa vie du fait de son nom et du lien de parenté avec Jean-Marie, et c'est cela qui m'intéresse ici. Parce qu'au fil de cette lecture, j'ai eu l'impression d'entrevoir les fondements du mythe Le Pen, qui découle en grande partie de cette hostilité, de la violence dont elle a pu faire l'objet, et qui pose la question du sort fait aux enfants de "personnalités controversées", je renvoie d'ailleurs pour cela à la chronique bien sentie de Nicolas Bedos.
Le mythe en question repose notamment sur une image de femme forte, intelligente, et, pour beaucoup, vicieuse. Bien entendu, l'autobiographie ne reprend pas cette dernière caractéristique.
Elle a néanmoins le mérite de dire de manière claire les piliers de la pensée FN : le patriotisme, la justice et la méritocratie (Marine Le Pen se décrit plus jeune comme une "avocate éprise de justice et scandalisée par la corruption qui gangrenait les différentes sphères du pouvoir"), la laïcité, la réalité du quotidien des "vrais gens" en quelque sorte (est dénoncée une gauche ignorante de la réalité du terrain, notamment de l'immigration, une gauche renvoyée à une intelligentsia sectaire qui se moque du principe de réalité), la transmission de son patrimoine, la valeur du travail, le rejet de toute forme de communautarisme.
Les prises de position négationnistes de son père deviennent une maladresse : "mon père, enfant de la guerre, relativise", il renvoie à la "conscience que l'on est bien peu de choses", et Marine Le Pen reconnaît qu'il faut "faire preuve de délicatesse envers nos compatriotes juifs".
Quant aux autres sujets habituellement polémiques, ils sont eux aussi précisés : on croise pêle-mêle la vision de l'émergence d'une nation musulmane, incompatible avec la République française (la nation étant définie par la cohésion culturelle de son peuple, ce qui justifie l'argument un poil fallacieux selon lequel les vagues d'immigration en provenance de l'Espagne ou de l'Italie auraient donné lieu à une intégration irréprochable, tandis que celles provenant du Maghreb se seraient traduites par le renforcement du communautarisme), l'immigration "sauvage et débridée" est d'ailleurs perçue comme "complice du grand capital" (pour un peu, on se croirait dans Marx...Oo), car la venue de travailleurs peu qualifiés serait un moyen de faire pression à la baisse sur le travail manuel des Français, immigration qui est largement évoquée car il s'agit, selon Marine Le Pen, de l'un des problèmes "les plus graves et les plus lourds de conséquences" pour la France.
La mondialisation est âprement rejetée, et, point bonus, la réflexion autour de l'avortement est édifiante : Marine Le Pen aurait à cœur de donner aux femmes la possibilité d'élever leur enfant, et de ne pas se soumettre à la pression de la société les conduisant à avorter par exemple quand elles n'ont pas les moyens de l'élever. Elle propose également de redonner aux femmes le choix de travailler ou pas (aucune mention des hommes, eux ils veulent tous travailler et d'arrache-pied, c'est connu).
Croyez-le ou non, mais je suis assez contente d'avoir lu ce bouquin. En premier lieu, parce que l'on ne peut se contenter, face à un parti et une personnalité qui l'incarne, rassemblant une proportion non négligeable de Français, de jouer la carte du mépris et de la diabolisation. Dernièrement, les sondages (avec toute la confiance que l'on peut leur faire, autant dire que l'information est à considérer avec des pincettes) donnent Marine Le Pen en tête au premier tour de l'élection présidentielle à venir. Après m'être plongée dans son récit et avoir pris connaissance des grandes idées qu'elle défend, je suis surprise de constater que les valeurs mises en exergue sont finalement communes à nombre de candidats et de partis : le sens de la justice et de la laïcité en particulier.
Toutefois, le discours sous-tendu par ces idées distingue les partis, et l'on observe que les conclusions tirées de faits objectifs peuvent être très distinctes : les propositions pour la justice n'ont rien à voir entre elles, l'importance de la méritocratie prônée par Le Pen ne la conduit pas néanmoins à remettre en cause l'héritage, dont Piketty a démontré qu'il creusait les inégalités de manière flagrante et irrattrapable. Quant au volet de l'immigration... Disons qu'un électeur FN se doit de regarder le programme du parti dans les détails à cet égard, tant les conséquences seraient graves dans l'éventualité de l'application d'un tel projet.
Un enjeu majeur, pour Marine Le Pen, est de démontrer que le vote FN "est un vote d'adhésion et non de réaction", indispensable pour asseoir sa crédibilité et sa légitimité. Aujourd'hui, je pense que les autres partis considèrent fermement que le vote FN est un vote de réaction (je ne saurais d'ailleurs me positionner à ce sujet, n'étant personnellement pas dans la cible, vous l'aurez compris...). Il me semble crucial, parce que nous parlons d'une élection et donc d'un processus démocratique, de garantir que ce vote est bien un vote d'adhésion, d'abord parce qu'il me semblerait absurde qu'un candidat arrive au pouvoir simplement pour manifester un mécontentement à l'égard des autres candidats, plutôt que pour une croyance ferme dans les idées défendues par le candidat élu, et ensuite parce que les autres candidats, et les autres partis, doivent prendre leur part de responsabilité dans ce désenchantement ambiant à l'égard de la politique dont on qualifie largement le peuple Français depuis quelques années.
Pour cela, il est important de cesser de voir dans le FN un parti presque "sulfureux" et provocateur, et de reconnaître son existence sur l'échiquier politique. Connaître les idées défendues et les mesures proposées est une étape essentielle. Sinon, cela revient à participer de la diabolisation qui, in fine, rend séduisant, voire fascinant, constitue une possibilité de "se faire peur", d'exprimer une contestation qui peut avoir bien peu à voir avec un projet politique quant à lui très réel.
Finalement, j'ai vu dans l'autobiographie de Marine Le Pen une figure qui me rappelle celle de Drago Malefoy (true story): des convictions très ancrées et revendiquées, largement héritées de ses aïeux, qui n'avait guère d'autre possibilité que de marcher dans leurs pas, tant la réputation de son père est répandue et source de clivages qui le frappent de plein fouet (certains le haïssent sans même le connaître). Une personnalité forgée dans l'adversité, donc, à la différence cependant que Marine Le Pen clame une proximité avec les classes populaires qui ne viendrait pas à l'idée de Drago. Cela me rend d'ailleurs perplexe : Marine Le Pen appartient à son tour à une élite qu'elle dénonce, car elle n'a pas grandi dans les milieux populaires qu'elle défend, elle est issue d'un milieu extrêmement politisé, a fait des études, est brillante. Elle n'est finalement pas si éloignée, dans son parcours, d'autres politiciens qu'elle condamne, quand bien même elle ne sortirait pas de l'ENA.
C'est tout pour aujourd'hui, je vais maintenant me replonger dans le monde merveilleux du non-politique, parmi les rêveurs, et passer en boucle la BO de La la Land.
Mes amitiés.
Pour vous si...
- Vous avez une tablette (l'autobiographie est disponible en libre accès et en version numérique depuis le site du parti).
Morceaux choisis
"Le "beauf de gauche" se moque du principe de réalité et défend les principes éternels sans jamais chercher à mesurer leurs effets sur le terrain."
"La pratique religieuse d'un personnage politique doit demeurer de l'ordre du privé."
"La mondialisation, enfant chérie de la gauche internationaliste, est évidemment la mort des classes populaires."
"La gauche a trahi la cause des femmes en se faisant la complice d'une immigration qui a importé, aussi, l'islamisme avec elle, et les renvoie à une condition de soumission inconnue jusque-là en Occident." (hum. C'est vrai que les femmes n'ont jamais connu la soumission en Occident...A ceux qui en douteraient, je vous renvoie la bouche en cœur vers l'Histoire du travail des femmes de Françoise Battagliola, pour ne parler que de l'accès au travail, mais tout ce qui tourne autour de l'histoire des droits des femmes est également instructif pour comprendre en quoi, non, les femmes n'ont pas de tout temps été de tout temps libres en Occident - le sont-elles toutes aujourd'hui? - et que la religion catholique notamment n'a pas exactement contribué à leur émancipation).
"Le FN, s'il fut un jour un parti d'extrême droite, est aujourd'hui un grand parti populaire".
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