mercredi 4 octobre 2017

Apocalypse bébé, Virginie Despentes

Un Despentes avec "bébé" dans le titre, ça ne peut être qu'un roman explosif...



Libres pensées...

J'ai entrepris la lecture d'Apocalypse bébé sans m'être vraiment renseignée sur le synopsis, si bien qu'après la lecture de King Kong Theory, et à la seule vue du titre de ce roman-là, je m'étais figurée un essai creusant les théories féministes avancées par Despentes, qui évoquerait la suprématie du rôle de mère dans la vie d'une femme.

Et bien, mes très chers, je me suis profondément fourvoyée. Apocalypse bébé est une fiction, et une de celles qui font froid dans le dos!

Lucie est employée par une famille pour suivre la jeune Valentine dans ses déplacements. Mais un jour, Valentine disparaît dans le métro, et ne reparaît pas. Lucie a bientôt pour mission de retrouver Valentine, et de la ramener au foyer familial. Elle sollicite l'aide de la Hyène (que l'on découvre donc à ses débuts, avant ses circonvolutions dans Vernon Subutex) afin de retrouver la trace de l'adolescente dont elle savait peu de choses. Toutes deux tâchent de comprendre quel genre de jeune fille est Valentine, et ce qui a pu l'entraîner à fuguer. Leur enquête les conduit bientôt à rendre visite à la mère biologique de Valentine, qui vit à Barcelone.

Le roman est des plus récents de l'auteur, puisqu'il est le dernier paru avant la saga Vernon Subutex. Comme je l'espérais, j'ai retrouvé avec joie le style Despentes, sa langue très vivante et directe, son habileté à dresser le portrait d'une époque, d'une génération, d'un milieu sociologique, sans pour cela passer par un jargon théorisant abstrait.
Des thèmes très ancrés dans l'époque actuelle sont abordés dans ce livre, comme la solitude adolescente, bousculée par l'incompréhension des générations antérieures face à l'évolution rapide des moeurs, elles-mêmes souvent perdues dans un environnement qui les dépasse.
Le terrorisme et la manipulation des jeunes gens paumés se dessine surtout sur la deuxième partie du roman.
Et, bien sûr, le féminisme est, d'une certaine façon, au coeur de l'intrigue imaginée par Despentes : Valentine cherche une alternative au modèle sinistre formé par ses parents, elle veut conquérir la liberté, qui passe par exemple par la liberté sexuelle, et se heurte à ces autres qui la renvoient à une catégorie de fille facile, de pute, car cette liberté-là n'est pas socialement acceptable pour une femme, et coûte à quiconque s'y aventure, sa dignité sociale.

Le récit a donc des résonances évidentes avec l'actualité, et porte admirablement la désillusion qui frappe certains des personnages de Despentes, un désenchantement, une triste lucidité qui nous renvoient à la réalité plutôt que de nous proposer un expédient pour nous en échapper. Un très bon livre, en somme. 

Pour vous si...
  • La Hyène vous manque, depuis que vous avez refermé Vernon Subutex
  • Vous ne faites pas confiance aux bonnes soeurs 

Morceaux choisis

"Les premiers temps, je pensais que je ne pourrais jamais voir une femme avec son enfant sans souffrir. Mais pas du tout. La sortie de l'école, les jours de piscine, les goûters d'anniversaire, les rhumes et la rubéole, les devoirs, le linge à se coltiner... les femmes qui ont besoin d'un enfant sont celles qui n'ont pas ce qu'elles veulent avec les hommes."

"Celui qui prétend regretter son geste ment. Le bourreau ne se souvient pas. Il ne subsiste aucun lien entre l'acte perprété et celui qui doit en répondre. Il ne pense qu'à l'agressivité dont il est victime, quand on vient l'accuser. C'est aussi simple que ça. Les victimes, elles, ont bonne mémoire : elles s'accrochent à l'injustice dont on s'est rendu coupable à leur endroit pour justifier les actes de barberie qu'elles vont commettre, à leur tour. Mais l'assassin, lui, n'a aucun effort à faire : ça s'est détaché de lui. Ca n'était jamais vraiment lui."

"Les enfants sont les vecteurs autorisés de la sociopathie des parents. Les adultes geignent en faisant mine d'être dépassés par la vitalité destroy des petits, mais on voit bien qu'ils jouissent d'enfin pouvoir emmerder le monde, en toute impunité, au travers de leur progéniture. Quelle haine du monde a bien pu les pousser à se dupliquer autant?"

"Elle ne voit autour d'elle aucun adulte qui ait une direction. Un reste de dignité. Compromissions, à tour de bras, ils se démènent pour justifier tout ça. Ils disent que c'est un choix. Tout ce qu'il faut bouffer de merde, ils l'avalent sans rechigner. Ils ne savent qu'obéir, à n'importe quel ordre. Survivre, à n'importe quel prix. Elle va mettre un coup de frein là-dedans. Le monde qu'ils ont construit, elle va y mettre un peu d'ordre."


Note finale
3/5
(cool)

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