Je poursuis sur ma lancée avec un premier roman signée Adeline Baldacchino, qui a par ailleurs déjà écrit beaucoup dans le registre poétique mais également des essais.
Libres pensées...
Celui qui disait non raconte August Landmesser à partir d'une photographie le montrant parmi la foule de ceux qui saluent Hitler à Hambourg en 1936, tandis que lui reste immobile et refuse de faire le salut nazi. La narratrice se confond avec l'autrice, et tâche de reconstituer l'histoire de cet homme et de la femme qu'il aima passionnément, Irma Eckler, juive, et de leurs enfants.
Le travail historique qui sous-tend le roman est intéressant, j'ignorais pour ma part certains des éléments produits ici, comme l'interdiction des mariages mixtes et les condamnations prononcées à l'égard de ceux qui s'en rendaient coupables, à la fin des années 1930 et bien sûr pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
L'histoire d'August et Irma est sordide, tragique : lui est emprisonné pour avoir aimé une juive et lui avoir fait des enfants, elle est déportée en 1942 et mourra à Ravensbruck. Leurs deux petites filles en réchappent, la plus jeune ayant été recueillie d'abord dans un orphelinat et ayant subi des traumatismes abjects lors de la nuit de Cristal en 1938.
La narratrice prend le parti de dialoguer avec son lecteur, de reconnaître les lacunes dans l'histoire dont elle dispose, qui est froide, factuelle, et qu'elle décide de romancer, mettant en mots la passion d'August et d'Irma, l'injustice dont ils ont été victimes.
Le récit est bien mené, enclin à susciter l'émotion, l'empathie pour les deux protagonistes et leurs filles, souvent douloureux, parfois brutal, mais on y ressent l'intérêt réel et la tendresse que leur porte la narratrice.
D'une certaine manière, le ton m'a fait penser à celui de Caroline Laurent dans Et soudain, la liberté. Néanmoins, je l'ai trouvé sans doute un peu trop lyrique à mon goût, et si la démarche, à l'époque, aurait été d'une audace absolue, elle est aujourd'hui entendue, évidente. J'ai eu le sentiment que l'histoire d'August Landmesser était de nature à emporter une adhésion unanime à l'époque actuelle, de sorte que le choix de sujet est finalement assez académique : il entre directement dans la catégorie des sujets qui font que l'on se doit de louer l'oeuvre, parce que le sujet est grave.
L'oeuvre est intéressante, certes, mais je pense que l'auteur gagnerait à se hasarder sur un terrain plus accidenté à l'avenir, pour s'imposer et se distinguer.
Pour vous si...
- Les démarches de reconstitution historique vous interpellent.
- Vous étiez d'ailleurs tombé sur la photographie figurant August Landmesser, les bras croisés.
- Vous ne serez pas déçu en découvrant qu'il ne s'agit pas de l'histoire d'un chat, hélas.
Morceaux choisis
"Qu'on le mesure bien : tout fichier sème la mort, car la mort commence par un fichier. Ceux du Führer ne manquèrent jamais d'ordre."
Note finale
3/5
(cool)
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