Croyez-le ou non, je n'ai jamais lu Philip Roth.
Du coup, j'ai décidé de me refaire une culture (il faut dire que Philip est un écrivain reconnu, qu'il est un peu gênant de n'avoir jamais lu, mais bon, je le vis bien quand même, je vous rassure).
Libres pensées...
Le narrateur retrace la descente aux enfers d'un homme suspecté d'être sympathisant communiste dans l'Amérique puritaine des années 1950, où sévissent le maccarthysme et la chasse aux sorcières.
Iron Ringold est un idéaliste, révolté, humaniste, mais aux yeux de certains, il est surtout un rouge. Néanmoins, la charge la plus violente ne proviendra pas d'inconnus ou de médisants, mais des êtres les plus proches d'Ira.
Avec J'ai épousé un communiste, Philip Roth nous propose une fresque historique particulièrement intéressante, en ce qu'elle est finalement très récente, et aborde une période et une facette de l'histoire récente américaine finalement assez méconnues.
Ainsi, Roth excelle à dépeindre les antagonismes, les paradoxes, décrivant pour cela des scènes visuelles et pourtant quotidiennes à travers lesquelles on devine la tension palpable, la paranoïa, le climat de délation ambiant, la défiance qui s'instaure tout autour du protagoniste.
Bien entendu, la chute est glaçante, tout comme l'analyse qu'en fait Roth.
Car c'est sans doute ce qui m'a le plus captivée : l'auteur ne se contente pas de livrer l'action de son récit, il l'étaye de commentaires qui donnent à voir l'époque d'alors, qui aident à appréhender ce contexte si singulier qu'il est difficile d'imaginer aujourd'hui.
Il y a par ailleurs une grande maîtrise dans le rythme du récit, et de la rigueur, qui rendent le style de Roth presque académique tant il est impeccable. En tout cas, il m'a assurément fait penser à la tradition littéraire américaine dans toute sa noblesse, qui décrit avant tout, et se plonge dans un milieu à la manière presque d'un sociologue, révélant les réflexes de pensées et les dissimulations des uns et des autres, en échappant à tout manichéisme pour cela : dans cette littérature-là, et aussi étrange que cela puisse paraître, il n'y a pas de héros. Ira lui-même, qui est pourtant utopiste et inspire pour cela l'intérêt et la sympathie, a ses propres torts, ses propres faiblesses, qui le rendent d'ailleurs vulnérable.
Edifiante lecture, donc, que j'aurai soin de prolonger avec le reste de l'oeuvre de Roth...
Pour vous si...
- Vous avez aussi épousé un communiste.
- Vous êtes un grand fan de Cormac McCarthy (uhuh).
Morceaux choisis
"La vengeance, m'annonça Murray. Il n'y a rien de si grand en l'homme, ni rien de si petit ; rien n'est aussi inventif, audacieux, chez l'homme le plus banal, que les mécanismes de la vengeance ; rien n'est aussi inventif et sans scrupule chez le plus raffiné des raffinés que le mécanisme de la trahison."
"Je suis convaincu qu'en Amérique on a trahi bien plus souvent dans la décennie de l'après-guerre - disons entre 46 et 56 - que dans toute autre période de notre Histoire. Cette saloperie qu'Eve lui a faite était typique de bien des saloperies commises par les gens à cette époque, soit qu'ils y aient été contraints, soit qu'ils aient cru l'être. La conduite d'Eve est à mettre au chapitre des délations quotidiennes de la période. C'est que la trahison se trouvait déstigmatisée et même récompensée comme jamais dans ce pays. Elle était partout en ces temps-là, accessible à tous, cette transgression ; elle était permissible, tout Américain pouvait la commettre. Le plaisir de trahir remplaçait l'interdit, et on pouvait même trahir sans renoncer à son autorité morale. On gardait sa pureté, on trahissait par patriotisme, tout en obtenant une satisfaction à la limite du sexuel, avec son mélange ambigu de plaisir, de faiblesse, d'agression et de honte : la satisfaction de saper, de saper celui ou celle qu'on aime, ses rivaux, ses amis. La trahison habite cette même zone de plaisir pervers, illicite, fragmentaire. Tel est l'intérêt de ce plaisir souterrain de la manipulation, il y a bien de quoi tenter l'être humain."
Note finale
3/5
(cool)
J'ai lu La Tache et Portnoy et son complexe. Ils m'ont bien plu mais sans plus. Parfois on est un peu déçu des "grands auteurs qu'il faut absolument avoir lu"... Vive ton blog !!!
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