Voici un roman que je m'étais promis de lire depuis presque un an, et qui a eu la gentillesse et la patience de m'attendre...
Libres pensées...
L'auteur raconte l'histoire de sa grand-mère, Suzanne. Cette femme qu'elle connaît peu et qui a tant blessé sa mère a un parcours atypique : mère de famille, elle abandonne ses enfants et encourage son mari à les faire adopter, recouvre sa liberté, s'essaie à la peinture, s'engage et milite pour le refus global, aux côtés des auteurs adeptes de l'automatisme.
L'auteur parvient à restituer l'histoire de son aïeule avec pudeur et sincérité, ce qui relève de la gageure. On ressent très nettement les sentiments paradoxaux qui la nourrissent dans cette démarche malaisée, l'affection qui semble naître pour cette femme qu'elle se doit de haïr, au nom du mal qu'elle a fait à sa mère, et envers laquelle semble bientôt naître comme une estime, que le lecteur partage, à mesure que se dévoile et se conjugue sa personnalité complexe, les déchirements qui l'ont vraisemblablement habitée.
En effet, cette féministe avant l'heure ne se pardonnera pas d'avoir abandonné ses enfants, et le sort de son fils François en particulier est bouleversant, laisse entrevoir la brèche intime que son sort a dû provoquer pour sa mère.
On souffre à ses côtés les tentatives avortées, l'orientation indécise, la solitude aussi, et l'on est imprégné à son tour de cette soif de vie, de liberté, qui lui donne en effet l'image d'une femme rebelle, complètement indépendante et imperméable aux normes sociétales de l'époque (encore pregnantes aujourd'hui).
Les histoires familiales me laissent froide, usuellement, pourtant je dois confesser que je me suis surprise à être très touchée par le récit d'Anaïs Barbeau-Lavalette, dont le style est facile d'accès et utilise des ressorts déjà éprouvés (le texte s'adresse à Suzanne à travers la deuxième personne du singulier), mais dont se dégage une authenticité que je ne ressens que rarement.
Tout ceci est donc très subjectif, mais je suis donc encline à vous recommander fortement la lecture de La femme qui fuit, qui m'a laissé une tristesse...
Pour vous si...
- Quoi de mieux, pour célébrer cette journée des droits des femmes, que l'histoire d'une femme libre et révoltée ?
Morceaux choisis
"Tu sais que tu ne reviendras pas chez toi. Et tu ne le caches pas. Tout en toi raconte un adieu. La façon dont tu poses tes yeux trop longtemps sur tes soeurs, puis tes frères. Ton demi-sourire à ta mère qui ne bouge pas, qui évite de te regarder, qui travaille toujours à contenir ses larmes. Ton geste furtif et maladroit vers elle, pour ajuster son tablier froissé au lieu de l'embrasser. Puis, la froideur que tu laisses lentement se déposer entre eux et toi. Elle jaillit de toi, de source nordique, glaciale, friable. Les liens se figent et se cristallisent : tu te découvres le pouvoir de la rupture franche."
"Tu ne déposes rien au vestiaire parce que tu es maintenant comme ça : fugitive. Tu ne laisses pas de traces."
Note finale
4/5
(très cool)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire