Deuxième roman de la sélection automnale des 68 premières fois, Juste un peu de temps est le premier roman de Caroline Boudet, journaliste.
Libres pensées...
Sophie est une mère efficace et organisée. Mais aussi débordée, et épuisée. Un jour, son mari, Loïc, rentre à leur domicile, et trouve un mot qu'elle lui a laissé, disant qu'elle part quelques jours, qu'il lui faut juste un peu de temps. Inquiet, il fait le tour de ses amies et connaissances, et tâche de relever les défis du quotidien que Sophie gérait d'une main experte.
Pendant ce temps, Sophie a loué une chambre dans un hôtel en bord de mer, et retrouve une ville qu'elle a connue jadis, le silence, la tranquillité, la solitude, et fait le point sur sa vie, le temps d'une escapade.
Juste un peu de temps est un récit très actuel, sans l'être pourtant.
Je m'explique.
Le quotidien de Sophie qui y est décrit avant qu'elle ne disparaisse subitement, est le lot de la majorité des femmes qui sont mères de famille. A cet égard, rien de nouveau sous le soleil.
Ce qui est nouveau, en revanche, c'est d'en parler, de le nommer - le roman s'engouffre dans la porte ouverte par le débat autour de la "charge mentale" qui a émergé il y a quelques mois - , de considérer que ce n'est pas le seul quotidien possible pour les femmes, de considérer qu'une femme qui prend cette liberté impensable de laisser ses enfants à la charge de son mari pendant trois jours, sans prévenir, n'est pas forcément une mère indigne ou une femme abjecte.
Forcément, en tant que - jeune - femme sans enfant, mes sentiments sont partagés. Parce que le quotidien de Sophie était prévisible. C'est celui de toutes les femmes qui nous entourent, peu ou prou. Partant, comment être surpris, comment être déçu, comment vouloir réclamer justice ? Il n'y a pas eu mensonge sur la marchandise. C'est triste et affligeant, mais ce qui lui arrive est exactement ce qu'elle pouvait observer en regardant sa mère, sa cousine, sa voisine - toute femme de sa connaissance. Pourtant, il est relativement nouveau de considérer que ce n'est pas un statu quo dont la femme doit se satisfaire, ou en tout cas, de prendre la parole et d'agir pour que cette situation évolue.
En 1879, une femme comme Sophie faisait scandale - il s'agissait de Nora, la protagoniste d'Une maison de poupée, pièce de théâtre du norvégien Henrik Ibsen.
En 2018, Sophie ne fait pas scandale. Elle accomplit ce dont rêvent toutes les femmes, si bien que l'histoire racontée par Caroline Boudet n'a pas le cachet subversif d'Ibsen il y a un siècle et demi.
Il est intéressant cependant de voir que cette parole rencontre un écho, et même si Juste un peu de temps ne fait pas particulièrement avancer le débat, car les sujets abordés sont débattus sur la place publique depuis quelques années, il reste important que ce dernier ne s'éteigne pas, et reste actuel.
Pour vous si...
- Vous cherchez quoi offrir à un sceptique de la charge mentale
Morceaux choisis
"Elle a de plus en plus l'impression que, de couple d'amoureux, Loïc et elle sont devenus les deux gérants de la PME qu'est leur famille. Horaires, plannings, gestion de budgets : tout roule et, oui, on peut considérer que cela fonctionne parfaitement. Mais elle en crève de ne pas retrouver au quotidien leur duo, juste Sophie et Loïc. Pas les époux, pas les parents, mais les deux personnes qui savaient chacun faire naître, dans les yeux de l'autre des étincelles de surprise et de séduction plutôt que des haussements de sourcils, des yeux au ciel et des soupirs."
"Quand on y pense, le cul, c'est comme la piscine, moins tu pratiques, moins t'as envie d'y aller. Et puis, dès que tu te laisses un peu tenter, ça te rappelle à quel point ça fait du bien, et tu te demandes pourquoi tu avais laissé tomber."
Note finale
3/5
(cool)
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