Comme je n’avais aucune idée de qui pouvait bien être Maria Schneider, j’ai pensé qu’il ne serait pas mauvais de m’informer un peu.
Vanessa Schneider raconte sa cousine Maria, dans ce récit qui lui est adressé. Maria était comédienne, rendue célèbre par le film Dernier tango à Paris, qui l’a couverte de gloire, et a été sa malédiction. Car lors du tournage, Maria n’a pas vingt ans, et elle découvre brutalement le traitement réservé aux femmes, et en particulier aux comédiennes en herbe : le réalisateur, Bertolucci, lui impose de tourner douze heures par jour, l’épuise et la malmène, lui fait subir l’humiliation de la fameuse scène de sodomie qui ne figure pas au script, et dont il l’informe tout juste avant de la tourner, pour qu’elle réagisse en femme humiliée et non en actrice, là où son partenaire, Marlon Brando, qui est alors une grande figure du cinéma quoique sur le déclin, fait respecter ses volontés.
C’est le nœud médiatique du roman, et pourtant, le récit va bien plus loin. La narratrice et auteur revendique le droit d’écrire son histoire avec Maria, elle fait des incursions dans ses propres souvenirs, nous parle de l’étrange famille dans laquelle elle a grandi, de l’enfance et de l’adolescence de Maria, sa cousine plus âgée dont elle collectionne bientôt les articles qui lui sont dédiés dans la presse.
Maria est vue comme une jeune actrice prometteuse, qui tourne avec le monstre Brando à tout juste dix-neuf ans, elle devient une idole, et pourtant sa carrière se brise alors qu’elle a tout juste décollé.
Après le dernier Tango, Maria ne jouera que dans des films mineurs, on attendra d’elle qu’elle se déshabille, qu’elle s’exhibe, et lorsqu’elle refusera, les scripts cesseront graduellement de lui parvenir.
Le roman de Vanessa Schneider permet de l’habiller enfin, de voir la petite fille enjouée et abîmée, souffrant du rejet de ses parents, attirée par la lumière, vive, intelligente, avant de tomber dans les drogues dures, les lauriers du succès dans les années 1970. Quoi qu’elle fasse, on la renvoie toujours à cette scène, au dernier Tango, son ascenseur doré devient sa prison.
L’écriture de Vanessa Schneider est simple, neutre, et cela tombe bien, elle n’est pas là pour se faire remarquer, et il n’est pas besoin de rajouter du pathos aux nuances de tristesse qui se dégagent naturellement de cette histoire de vie, entremêlées d’autres choses plus belles, de moments de complicité familiale et d’espoir, l’épaule d’A., la compagne de Maria, les colis gourmets de « Brigitte ».
Maria Schneider a des airs d’étoile filante, en mouvement elle papillonne, semble fragile et pourtant elle endure, dressée seule contre l’agitation.
Un tel récit résonne, à l’heure des révélations retentissantes l’an dernier au sujet de Weinstein, le magnat du cinéma, et de l’ampleur gagnée par les mouvements de prise de parole des femmes dénonçant les abus, les viols, ou même, « simplement », les injustices qui ont été leur lot depuis toujours.
Pour Maria, il est trop tard. Mais à travers son histoire, racontée par sa cousine Vanessa, elle vient porter l’espoir d’une société plus digne, où les jeunes filles ne sont pas ainsi jetées en pâture à des hommes en position de pouvoir.
"Quelque chose la tracasse néanmoins, son frère et sa belle-mère lui reprochent d'avoir travesti des épisodes de sa vie. Elle s'en défend, "ce sont eux qui se trompent". Je tente de la rassurer, lui dis que la mémoire est fragile, parcellaire, personnelle, que chacun se souvient de ce dont il a envie, ou de ce qu'il a pu retenir du temps qui s'est écoulé. J'ajoute qu'il n'y a pas de vérité unique, que le droit au récit est une liberté absolue. Je sais que je me parle à moi-même, comme pour éloigner ce malaise qui me poursuit en écrivant sur toi. Je tente de me prémunir des critiques inévitables, celles de tous ceux qui t'ont croisée et ne te reconnaîtront pas dans le tableau que je brosse, celles des derniers de notre famille qui s'interrogeront sur ma légitimité à te réinventer."
Libres pensées...
Vanessa Schneider raconte sa cousine Maria, dans ce récit qui lui est adressé. Maria était comédienne, rendue célèbre par le film Dernier tango à Paris, qui l’a couverte de gloire, et a été sa malédiction. Car lors du tournage, Maria n’a pas vingt ans, et elle découvre brutalement le traitement réservé aux femmes, et en particulier aux comédiennes en herbe : le réalisateur, Bertolucci, lui impose de tourner douze heures par jour, l’épuise et la malmène, lui fait subir l’humiliation de la fameuse scène de sodomie qui ne figure pas au script, et dont il l’informe tout juste avant de la tourner, pour qu’elle réagisse en femme humiliée et non en actrice, là où son partenaire, Marlon Brando, qui est alors une grande figure du cinéma quoique sur le déclin, fait respecter ses volontés.
C’est le nœud médiatique du roman, et pourtant, le récit va bien plus loin. La narratrice et auteur revendique le droit d’écrire son histoire avec Maria, elle fait des incursions dans ses propres souvenirs, nous parle de l’étrange famille dans laquelle elle a grandi, de l’enfance et de l’adolescence de Maria, sa cousine plus âgée dont elle collectionne bientôt les articles qui lui sont dédiés dans la presse.
Maria est vue comme une jeune actrice prometteuse, qui tourne avec le monstre Brando à tout juste dix-neuf ans, elle devient une idole, et pourtant sa carrière se brise alors qu’elle a tout juste décollé.
Après le dernier Tango, Maria ne jouera que dans des films mineurs, on attendra d’elle qu’elle se déshabille, qu’elle s’exhibe, et lorsqu’elle refusera, les scripts cesseront graduellement de lui parvenir.
Le roman de Vanessa Schneider permet de l’habiller enfin, de voir la petite fille enjouée et abîmée, souffrant du rejet de ses parents, attirée par la lumière, vive, intelligente, avant de tomber dans les drogues dures, les lauriers du succès dans les années 1970. Quoi qu’elle fasse, on la renvoie toujours à cette scène, au dernier Tango, son ascenseur doré devient sa prison.
L’écriture de Vanessa Schneider est simple, neutre, et cela tombe bien, elle n’est pas là pour se faire remarquer, et il n’est pas besoin de rajouter du pathos aux nuances de tristesse qui se dégagent naturellement de cette histoire de vie, entremêlées d’autres choses plus belles, de moments de complicité familiale et d’espoir, l’épaule d’A., la compagne de Maria, les colis gourmets de « Brigitte ».
Maria Schneider a des airs d’étoile filante, en mouvement elle papillonne, semble fragile et pourtant elle endure, dressée seule contre l’agitation.
Un tel récit résonne, à l’heure des révélations retentissantes l’an dernier au sujet de Weinstein, le magnat du cinéma, et de l’ampleur gagnée par les mouvements de prise de parole des femmes dénonçant les abus, les viols, ou même, « simplement », les injustices qui ont été leur lot depuis toujours.
Pour Maria, il est trop tard. Mais à travers son histoire, racontée par sa cousine Vanessa, elle vient porter l’espoir d’une société plus digne, où les jeunes filles ne sont pas ainsi jetées en pâture à des hommes en position de pouvoir.
Pour vous si...
- Vous voyez dans le dernier tango à Paris l’un des plus grands films du XXe siècle
- Vous ne saviez pas que Vanessa était sa cousine.
Morceau choisi
"Quelque chose la tracasse néanmoins, son frère et sa belle-mère lui reprochent d'avoir travesti des épisodes de sa vie. Elle s'en défend, "ce sont eux qui se trompent". Je tente de la rassurer, lui dis que la mémoire est fragile, parcellaire, personnelle, que chacun se souvient de ce dont il a envie, ou de ce qu'il a pu retenir du temps qui s'est écoulé. J'ajoute qu'il n'y a pas de vérité unique, que le droit au récit est une liberté absolue. Je sais que je me parle à moi-même, comme pour éloigner ce malaise qui me poursuit en écrivant sur toi. Je tente de me prémunir des critiques inévitables, celles de tous ceux qui t'ont croisée et ne te reconnaîtront pas dans le tableau que je brosse, celles des derniers de notre famille qui s'interrogeront sur ma légitimité à te réinventer."
Note finale
3/5
(cool)
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