samedi 5 décembre 2015

Les échoués, Pascal Manoukian

Etant donnée l'actualité depuis plusieurs mois, je m'attendais, à l'occasion de la rentrée littéraire, à voir paraître nombre d'ouvrages abordant la situation des migrants en Europe, sous un angle ou un autre.
Étonnamment, le seul livre que j'ai repéré jusqu'à présent sur le sujet est celui de Pascal Manoukian, journaliste qui a couvert de nombreux conflits entre 1975 et 1995, et livre avec Les échoués son premier roman.

Butin du jour 1 du calendrier de l'Avent. I <3 December.

Le synopsis

Les échoués retrace le parcours de plusieurs personnages aux origines et aux parcours très différents, mais qui se rencontrent tous en France dans les années 1990, après avoir quitté leur pays, le plus souvent dans des circonstances terribles. Il y a Virgil, le colosse moldave, qui travaille d'arrache-pied pour faire venir sa femme Daria et leurs trois fils, restés en Moldavie, il y a Chanchal, envoyé par sa famille du Bangladesh dans l'espoir de gagner de l'argent pour le leur faire parvenir, et il y a Assan et sa fille Iman, partis de Somalie, après le meurtre sauvage de la femme et des autres filles d'Assan.
Pour eux, chaque jour est un chemin de croix, la seule solidarité est celle qui peut exister entre groupes de même origine géographique/ethnique/religieuse. Leurs chemins vont pourtant se croiser, et se lier.

Mon avis

Avant toute chose, je pense que Les échoués est un livre important.
Il s'attaque à un sujet compliqué, qui anime les foules de bien des manières : les réactions "protectionnistes" sont légion, les réactions inverses sont tous aussi nombreuses.
Dans cette période agitée où il est parfois difficile de se faire un avis sur cette question qui peut sembler épineuse, de par ce que chaque position implique, il me paraît essentiel de ne pas se contenter d'une logique économico-politique, et d'explorer la dimension humaine et sociale que cela recouvre.
C'est ce que se propose de faire le roman de Manoukian, qui détaille des parcours individuels, le quotidien sordide d'êtres que nous côtoyons tous les jours, lorsque nous les croisons dans la rue par exemple, et qui vivent à quelques mètres de nous des drames humains accablants.
L'écriture est fluide, rien de ce qui peut parfois être occulté ne l'est ici, et l'on se sent rapidement proche des personnages, concerné.
Je n'en dirai pas plus pour ne pas compromettre la chute, et ne peut qu'encourager à lire ce roman qui n'a malheureusement pas tout d'une fiction.

Lors de la rencontre organisée par le site lecteurs.com avec l'auteur, Pascal Manoukian, le 4 décembre à Paris, ce dernier expliquait combien les personnes qui se retrouvaient "échouées", migrants et réfugiés, n'étaient parfois pas si différentes de nous que nous pouvons l'imaginer.
Il est assez triste de se dire que cela suppose que l'on ne pourrait éprouver de la compassion que pour des gens qui nous ressemblent; mais je suis certaine que l'auteur parlait, non pas de la situation économique de chacun, mais de ses préoccupations, de ses aspirations, de ses sentiments.
Les échoués, bien qu'il ne s'agisse que d'un récit, contribue à donner un visage véritable aux hommes, aux femmes et aux enfants au sujet de la vie desquels nous épiloguons lorsque nous nous demandons s'il faut ou non les accueillir, et tranche avec le sensationnel à vomir que la presse offre parfois.


Pour vous si...
  • Vous êtes un peu indécis sur la façon dont la France, en particulier, doit se positionner, en termes de politique, en matière d'accueil des migrants.
  • Vous avez la fâcheuse manie de vous prononcer sur ces sujets en oubliant un peu vite qu'il s'agit derrière de vies humaines, de parcours effroyables, de vies brisées qui auraient pu, à bien peu de choses près en somme, être les nôtres.
  • Vous vous demandez naïvement ce que cela signifie, concrètement, une "fille cousue".
Morceaux choisis

"Assan savait tout ce qu'il avait perdu. Sa fille l'avait supplié de revenir enterrer les leurs, mais il avait refusé de passer une nuit de plus dans ce pays où les garçons changeaient de nom et où les filles vivaient cousues. La guerre venait de détourner son destin. Il ne serait plus pêcheur comme son père."

"L'homme ne pouvait être qu'un clandestin pour avoir cette volonté de vivre, un endetté, un sacrifié, le porteur d'espoir d'une famille demeurée ailleurs."

Note finale
3/5
(édifiant)

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