samedi 29 août 2015

7, Tristan Garcia

7 ne figurait initialement pas dans ma wishlist de la rentrée littéraire. Il s’y est frayé un chemin sur une impulsion, quand je me suis retrouvée devant une interview de l’auteur postée sur la page Facebook de Gallimard.

Tristan Garcia parlait de ses sept romans qui n’en forment qu’un, des idées de départ de certains d’entre eux, et j’ai été complètement captivée parce qu’elles faisaient écho à des réflexions éphémères que j’avais déjà eues pour moi-même. Peut-être êtes-vous familier avec ce moment bizarre où vous réalisez que quelqu’un d’autre a eu avant, après ou en même temps que vous, des pensées dont vous auriez juré avoir le monopole. Il y a donc dans la nature des gens aux raisonnements aussi tordus que les vôtres : un constat à la fois réconfortant et vexant.


Le lendemain, j’étais donc en route pour une nouvelle acquisition à la formidable librairie Atout-Livre dans le 12e.






 Une stratégie marketing efficace, donc, bien joué Gallimard!

Le synopsis

7 est constitué de sept récits, les six premiers paraissant au demeurant indépendants, et le septième constituant en quelque sorte celui vers lequel les précédents convergent tous, et qui leur donne un sens.
Chaque récit se fait l’illustration d’une idée, d’une tentative.
Il y a Hélicéenne, cette nouvelle drogue qui fait fureur et permet de retrouver, sous son emprise, la personnalité que l’on avait à un moment antérieur de sa vie, laquelle se retrouve propulsée sans le savoir dans le corps actuel et vieilli : les précédentes ”versions” de soi découvrent alors celui que l’on est devenu, ce qui revient à confronter sa personne adulte à celui que l’on était à 20 ans par exemple, et à se soumettre à son jugement.
Il y a Sanguine, le plus beau des visages, qui découvre que sa beauté vient en contrepartie d’une laideur toute aussi extrême, et qu’elle n’est belle que parce qu’un autre humain souffre d’être laid dans les mêmes proportions.
Il y a la découverte d’un rouleau de bois ancien qui contient toutes les mélodies entêtantes appelées à être créées par les hommes au cours des siècles à venir, s’affranchissant des époques et des registres.
Et puis, enfin, le septième récit, qui lie les précédents entre eux d’une manière inattendue, et leur donne une profondeur supplémentaire.

Mon avis

Je dois reconnaître que je suis assez partagée sur 7.
Tout d’abord, je l’ai trouvé assez inégal : les trois premiers récits m’ont beaucoup plu, les trois suivants m’ont paru beaucoup plus ternes. Les idées qui fondent chaque chapitre sont assez audacieuses pour certaines, et c’est sans doute ce qui m’a le plus convaincue. 
L’écriture est intéressante, en revanche l’auteur a tendance à vouloir apporter des justifications techniques qui obstruent plus la lecture qu’elles ne lui donnent de la force, à mon sens.
Je trouve l’entreprise téméraire, et je la salue pour cela, car je pense fermement qu’il faut récompenser les textes qui se font porteurs d’un message et ont le cran de s’aventurer en dehors des sentiers battus, de prendre des risques (ça ne m’arrive malheureusement pas tous les quatre matins d’être confrontée à quelqu’un qui me fait sortir de ma zone de confort et qui propose quelque chose de novateur, d’inventif).
Pour autant, je me demande si l’auteur n’a pas été dépassé par l’envergure de l’idée et du projet, car si les débuts m’ont fait pressentir un olni en même temps qu’un chef d’oeuvre, cette impression s’est dissipée par la suite, lorsque sont venus des chapitres qui m’ont presque ennuyée. La fin permet de retrouver l’enthousiasme des débuts, et cette volonté d’atteindre une portée particulière qui dépasse la distraction gentillette.
Un sentiment global assez mitigé donc, j’ai l’impression d’être tombée sur un soufflé qui s’est dégonflé en route et n’a pas réussi à récupérer son allure turgescente qui m’avait émue dès les premiers instants (et je termine sur cette double métaphore raffinée).


Pour vous si...
  • Vous avez un côté radin, et vous aimez bien en avoir pour votre argent. Sept livres en un, c’est une affaire.
  • Vous n’aimez pas les auteurs qui vous sortent un truc du chapeau : vous ne croyez que ce que vous voyez, et à moins d’un raisonnement scientifique à l’appui, une proposition n’est rien de plus qu’une spéculation loufoque. Ne vous en faites pas, Tristan a tout prévu et ne nous épargne pas les détails de la formule chimique d’hélicéenne.
  • La littérature qui ressemble aux montagnes russes / à une boîte de chocolats, c’est votre came : un coup up, un coup down, on n’est jamais sûr de ce qui arrive ensuite, tout le fun est là.
Morceau choisi

"Rien ne m'a plus étonné au cours de cette aventure que de découvrir ceci : les hommes n'ont pas de désir plus profond que de soumettre celui qu'ils sont au jugement de celui qu'ils ont été. Peut-être est-ce la preuve qu'aucun d'entre eux ne croit vraiment à un dieu. Pour se sauver ou se condamner, ils ne font confiance qu'à leur passé. J'ai observé des dizaines d'hommes tout tremblants de pouvoir présenter le résultat de leur vie à l'appréciation souvent désinvolte de l'adolescent enfoui au fond d'eux et, presque immanquablement, le lycéen n'avait pour celui qu'il deviendrait que le mépris et le dégoût que partagent les jeunes personnes pour l'expérience, les compromissions et les échecs des adultes."


Note finale

3/5
(cool / intéressant)

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