En ce moment, j’ai
des idées d’Antiquité.
La diffusion de
Troie il y a quelques jours à la TV y est sans doute pour quelque
chose ; je me souviens de l’avoir vu au cinéma à 17 ans et de
n’avoir jamais ressenti autant d’intérêt pour la Grèce antique
(qui était pourtant un sujet auquel je m’intéressais), le torse
de Brad Pitt et la majesté d’Eric Bana ayant certainement
constitué des arguments à part entière.
Et puis, lors d’une
virée Fnac impromptue, j’ai trouvé ça :
Première réaction
hystérique, je ne m’en cache pas : je l’ai déjà dit, mon côté
puriste se méfie fort des adaptations / reprises / remix et autres
formes d’actualisation des œuvres du passé que j’interprète
souvent comme le seul recours des gens qui veulent créer mais n’ont
pas d’imagination (des imposteurs, donc).
Cela dit, la mention
de Donna Tartt en gros sur la couverture m’a retenue de hurler sans
réserve ma désapprobation et d’exiger qu’on le retire des
présentoirs. Après tout, c’est quelqu’un de sérieux, si elle a
trouvé à ce simulacre (tel que je l’avais déjà baptisé) ”la
sauvagerie et le frisson de l’Antiquité”, il y a peut-être là
de quoi faire naître une once de considération, ou, à défaut, de
réviser mon jugement (jusqu’à présent favorable) de l’amie
Donna (quoique il ne faille exclure l’éventualité qu’on lui
ait arraché ces mots sous la contrainte. Les gens n’ont aucune
limite, de nos jours).
Bref, je retourne
donc admirablement ma veste et fais preuve de bonne volonté en
m’aventurant à acquérir cette petite chose que je dédaigne
d’abord.
Mais, pour abréger
le suspense, j’ai tout de même fini par me décider à lui faire
l’honneur de mon attention.
Le narrateur, c’est
Patrocle. L’ami d’Achille, son protégé, son cousin, selon les
versions et les traductions proposées d’Homère et d'autres.
Ici, il est un
prince que son père a renié, et qui trouve asile auprès du roi
Pelée, et de son fils Achille, promis à un grand destin par sa
mère, la déesse Thétis.
Ils sont encore des
enfants quand ils se rencontrent, et, rapidement, Achille choisit
Patrocle comme compagnon d’armes, si bien qu’ils passent leurs
journées ensemble, à l’étude et surtout à flâner sur leur île.
A seize ans, ils
deviennent amants. C’est alors que la Grèce s’enflamme, déchirée
par le rapt d’Hélène, et déclare la guerre à Troie. Achille,
que sa réputation précède, est enlevé par sa mère pour ne pas
être envoyé parmi les soldats. Son destin implacable le rattrape
pourtant.
Je ne vous raconte
pas la suite de l’histoire, non pas pour ne pas gâcher le
suspense, mais parce qu’elle est déjà connue (alors que le début,
moins!).
Il faut le
reconnaître, Madeline s’en sort bien. Très bien, même.
L’idée d’adopter
le point de vue de Patrocle confère au mythe une dimension humaine,
car il n’est pas le guerrier invincible qu’est Achille,
l’illustre stratège qu’est Ulysse, ni même le roi dévoré
d’ambition qu’est Agamemnon. Patrocle est un homme doux et sage,
dont la seule singularité est d’être aimé d’un demi-dieu (ce
qui est en soi plutôt flatteur quand même).
Partant, on se
plonge avec aisance dans le récit qui ne manque ni de sensualité,
ni de souffle épique.
Il est assez
étrange, mais pas déplaisant, de voir défiler les épisodes qui
ont donné lieu aux plus grandes tragédies (le sacrifice d’Iphigénie
notamment), on se laisse gagner peu à peu par la passion de l’auteur
pour le mythe qu’elle ravive, qui vit entre les lignes et porte le
roman d’un bout à l’autre.
Les
vers d'Homère en sortent transformés et incroyablement actuels,
avec une réflexion assez fine sur l'étoffe des héros et les
valeurs qui sont admirées par les peuples à différentes périodes
de l'Histoire.
Une surprise
foudroyante!
A ce stade, donc, je
suis de nouveau contrainte d’ajuster mon jugement, et de créer une
catégorie mentale pour les excusés, ceux auxquels je pardonne
d’avoir travesti un chef d’oeuvre, parce qu’ils l’ont fait
avec panache. Madeline Miller rentre, grâce au Chant d’Achille,
dans cette catégorie d’absous.
Qui sait, il y a encore
tout un tas de choses à raconter sur l’un ou l’autre des
innombrables personnages d’Homère, peut-être prendrai-je un jour
la plume pour tenter d’égaler la prouesse de Madeline! (je sais,
en tout cas, quel serait mon favori!)
- Vous avez 14 ans, vous êtes en quatrième, votre prof vous oblige à lire Homère et vous êtes une grosse feignasse. Le chant d’Achille passe quand même mieux.
- Vous n’avez jamais trop saisi pourquoi Achille était si vénère après Hector. Franchement, c’est un bon gars Hector, personne n’a envie de le trucider pour le traîner par les pattes derrière un chariot cahotant.
- Vous soutenez aussi la même cause que les Foo Fighters, mais avec d'autres références
”Pourquoi devrais-je
tuer Hector? Il ne m'a rien fait!” (Achille le grand naïf)
Ulysse : ”La gloire est
une chose étrange. Certains y accèdent après leur mort, mais celle
des autres peut aussi s'estomper avec les années. Ce qui est admiré
par une génération peut être abhorré par une autre. Nous ne
pouvons pas prévoir ce qui survivra à l'holocauste de la mémoire.
Qui sait? Peut-être qu'un jour, moi aussi, je serai célèbre.
Davantage que toi, même.”
Pyrrhos : ”J'en doute.”
(Vous me direz, qui diable
est Pyrrhos? That is the point, mes très chers!)
”Le moment où il a
rendu le corps d'Hector à Priam. Il faut qu'on puisse s'en souvenir.
Son talent quand il
jouait de la lyre. Sa voix magnifique.
Les filles. Il les a
réclamées pour qu'elles n'aient pas à souffrir des mains d'un
autre roi”
(Patrocle
se remémorant les exploits d'Achille. Pauvre brave Patrocle).
5/5
(coup de cœur)
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