Le roman de Camille Anseaume figurait
depuis près d'un an dans ma PAL. Introuvable dans mon ancienne
bibliothèque, je me suis réjouie de le voir fringuant et aguicheur
sur le présentoir de la nouvelle, avant de m'empresser de
l'emprunter.
Et puis, j'ai lu la quatrième de
couverture.
Et je me suis demandée comment diantre
il s'était creusé un chemin jusqu'à ma PAL.
Voici le topo : une jeune femme tombe
enceinte d'un homme qui "partage ses nuits pas mais plus"
(on a un terme précis pour ça de nos jours), et ce roman est
l'histoire de son choix.
Vu que le titre et la quatrième de
couvertures sont roses, j'ai pensé hâtivement que le choix était
donc de garder le bébé (psychologie de comptoir, bonjour! Parce
que, techniquement, on peut aussi parler d'un avortement en rose...).
D'où, CQFD : comment diantre ce livre
s'est-il creusé un chemin jusqu'à ma PAL?
Comprenez-moi bien : d'abord, c'est un
sujet qui, s'il devait me faire quelque chose, me ferait plutôt
froid que chaud, et ensuite, je n'ai jamais été très enthousiasmée
par la monoparentalité choisie.
Non pas que je n'aime pas parler de
bébés, j'en connais au contraire de très décents, j'ai même mis
leur faire-part de naissance dans ma bibliothèque de salon.
Mais au bout d'un moment, c'est un peu
comme parler jardinage à quelqu'un qui vit dans un studio à Paris :
il s'intéressera sans doute à la question quand il vivra dans une
maison avec trois hectares de terrain, en attendant il n'en a ni les
moyens ni trop l'envie, donc ce n'est tout simplement pas son sujet
préféré de conversation (exception faite des quelques jardins très
bien entretenus par les amis proches et qui les comblent de bonheur
et de couches – argh, trop de comparaisons, j'ai tout mélangé...).
Il va sans dire que je me suis donc
demandée pourquoi je m'infligeais cette lecture.
Venons-en au fait : ce livre a franchi
opiniâtrement et un à un tous les remparts qui le séparaient de
mon petit cœur retranché dans sa coquille.
D'abord, et un point pour Camille, il y
a l'humour. C'est plutôt fin, de temps en temps ça tombe un peu à
côté, mais elle joue avec les mots et en général ça fait sourire
(j'émets tout de même une réserve quant à ce premier point, je
pense que ce genre d'humour peut paraître agaçant pour certains
lecteurs – Voir morceaux choisis ci-dessous pour vous faire une
idée).
Son écriture est belle, déliée, et
c'est compréhensible : cette histoire, c'est à son enfant que la
narratrice la raconte, il y a du cocasse, du triste, et puis le
reste, c'est la vie.
D'abord, on nous narre l'indécision,
le refus du choix, les semaines qui séparent la narratrice de la
limite légale pour se faire avorter, puis les réactions diverses et
variées à l'annonce de la grossesse (ceux qui sont contre, ceux qui
n'osent pas se réjouir, ceux qui plaignent la future maman d'être
tombée enceinte alors que le papa est parti...), et tout ce qui est
nouveau pour la future maman, cette complicité qu'elle tisse avec
son bébé, toutes les premières fois alors qu'il n'est pas encore
né (le premier compliment, la première écho, le premier mouvement,
le premier cadeau...).
J'ai résisté et encore résisté,
bien déterminée à détester ce livre qui s'est insidieusement
introduit dans ma PAL alors qu'il traite DU sujet, ce sujet épineux
qui partage encore plus les gens à l'approche de la trentaine que ne
le font Jurassic World ou l'adaptation filmique des classiques de
Disney : les bébés.
Je dois me confesser : j'ai rendu les
armes.
Impossible de tenir à distance cette
satanée narratrice qui arrive à rester drôle et à faire de
l'esprit sur des choses comme l'avortement, la monoparentalité et
l'accouchement (et qui confond la tête et les fesses sur l'écho,
mais je ne lui jette pas la pierre).
Impossible de ne pas être pénétrée
par tout l'amour qu'il y a dans ces lignes, cet amour viscéral pour
le bébé à naître.
Il y a bien sûr les petites faiblesses
humaines, le règlement de comptes avec la maman un peu
caractérielle, la complainte passagère sous le coup de l'alcool,
mais finalement tout contribue à rendre l'ensemble cohérent et
crédible, c'est d'ailleurs je pense ce qui m'a aussi emballée.
En bref : un roman qui déborde de
tendresse, de douceur et d'humour, qui donnerait
presque envie de trouver quelqu'un dans la rue, le premier qui passe,
pour se lancer dans l'aventure.
Bon, peut-être pas. Mais en tout cas,
c'est un livre qui va à l'encontre des clichés (les miens à tout
le moins) pour leur tordre le cou avec tact, et c'est une lecture
qui fait du bien.
Vous êtes un réfractaire de la question, et que dès les premières pages vous vous sentez plus proche du jeune homme éclairé qui se carapate que de la jeune femme. Vous allez apprendre à l'apprécier.
"Ça faisait précisément entre 16
et 18 heures qu'un spermatozoïde s'était aventuré dans une trompe
qui était censée, selon la notice, devenir à ce moment
inhospitalière.
Ce n'était pas un spermatozoïde très
à cheval sur le confort."
"Petite, j'ai fait pas mal
d'angines à ma mère.
Aujourd'hui, il semblerait que je lui
ai fait une grossesse."
"Je te cherche un petit nom.
J'hésite encore entre ma bosse, ma
tumeur, mon erreur, mon accident, mon avorton, mon rien, mon tout,
mon embryon, mon clandestin, mon sans-papiers, mon tout-petit, mon
envie, ma folie, mon amour."
"Je suis la fille de Bob Marley.
J'ai eu la péridurale.
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