jeudi 13 août 2015

Un tout petit rien, Camille Anseaume

Le roman de Camille Anseaume figurait depuis près d'un an dans ma PAL. Introuvable dans mon ancienne bibliothèque, je me suis réjouie de le voir fringuant et aguicheur sur le présentoir de la nouvelle, avant de m'empresser de l'emprunter.


Et puis, j'ai lu la quatrième de couverture.
Et je me suis demandée comment diantre il s'était creusé un chemin jusqu'à ma PAL.
Voici le topo : une jeune femme tombe enceinte d'un homme qui "partage ses nuits pas mais plus" (on a un terme précis pour ça de nos jours), et ce roman est l'histoire de son choix.

Vu que le titre et la quatrième de couvertures sont roses, j'ai pensé hâtivement que le choix était donc de garder le bébé (psychologie de comptoir, bonjour! Parce que, techniquement, on peut aussi parler d'un avortement en rose...).

D'où, CQFD : comment diantre ce livre s'est-il creusé un chemin jusqu'à ma PAL?

Comprenez-moi bien : d'abord, c'est un sujet qui, s'il devait me faire quelque chose, me ferait plutôt froid que chaud, et ensuite, je n'ai jamais été très enthousiasmée par la monoparentalité choisie.

Non pas que je n'aime pas parler de bébés, j'en connais au contraire de très décents, j'ai même mis leur faire-part de naissance dans ma bibliothèque de salon.
Mais au bout d'un moment, c'est un peu comme parler jardinage à quelqu'un qui vit dans un studio à Paris : il s'intéressera sans doute à la question quand il vivra dans une maison avec trois hectares de terrain, en attendant il n'en a ni les moyens ni trop l'envie, donc ce n'est tout simplement pas son sujet préféré de conversation (exception faite des quelques jardins très bien entretenus par les amis proches et qui les comblent de bonheur et de couches – argh, trop de comparaisons, j'ai tout mélangé...).



Il va sans dire que je me suis donc demandée pourquoi je m'infligeais cette lecture.

Venons-en au fait : ce livre a franchi opiniâtrement et un à un tous les remparts qui le séparaient de mon petit cœur retranché dans sa coquille.

D'abord, et un point pour Camille, il y a l'humour. C'est plutôt fin, de temps en temps ça tombe un peu à côté, mais elle joue avec les mots et en général ça fait sourire (j'émets tout de même une réserve quant à ce premier point, je pense que ce genre d'humour peut paraître agaçant pour certains lecteurs – Voir morceaux choisis ci-dessous pour vous faire une idée).

Son écriture est belle, déliée, et c'est compréhensible : cette histoire, c'est à son enfant que la narratrice la raconte, il y a du cocasse, du triste, et puis le reste, c'est la vie.
D'abord, on nous narre l'indécision, le refus du choix, les semaines qui séparent la narratrice de la limite légale pour se faire avorter, puis les réactions diverses et variées à l'annonce de la grossesse (ceux qui sont contre, ceux qui n'osent pas se réjouir, ceux qui plaignent la future maman d'être tombée enceinte alors que le papa est parti...), et tout ce qui est nouveau pour la future maman, cette complicité qu'elle tisse avec son bébé, toutes les premières fois alors qu'il n'est pas encore né (le premier compliment, la première écho, le premier mouvement, le premier cadeau...).

J'ai résisté et encore résisté, bien déterminée à détester ce livre qui s'est insidieusement introduit dans ma PAL alors qu'il traite DU sujet, ce sujet épineux qui partage encore plus les gens à l'approche de la trentaine que ne le font Jurassic World ou l'adaptation filmique des classiques de Disney : les bébés.

Je dois me confesser : j'ai rendu les armes.
Impossible de tenir à distance cette satanée narratrice qui arrive à rester drôle et à faire de l'esprit sur des choses comme l'avortement, la monoparentalité et l'accouchement (et qui confond la tête et les fesses sur l'écho, mais je ne lui jette pas la pierre).
Impossible de ne pas être pénétrée par tout l'amour qu'il y a dans ces lignes, cet amour viscéral pour le bébé à naître.
Il y a bien sûr les petites faiblesses humaines, le règlement de comptes avec la maman un peu caractérielle, la complainte passagère sous le coup de l'alcool, mais finalement tout contribue à rendre l'ensemble cohérent et crédible, c'est d'ailleurs je pense ce qui m'a aussi emballée.

En bref : un roman qui déborde de tendresse, de douceur et d'humour, qui donnerait presque envie de trouver quelqu'un dans la rue, le premier qui passe, pour se lancer dans l'aventure.
Bon, peut-être pas. Mais en tout cas, c'est un livre qui va à l'encontre des clichés (les miens à tout le moins) pour leur tordre le cou avec tact, et c'est une lecture qui fait du bien.


Vous êtes un réfractaire de la question, et que dès les premières pages vous vous sentez plus proche du jeune homme éclairé qui se carapate que de la jeune femme. Vous allez apprendre à l'apprécier.



"Ça faisait précisément entre 16 et 18 heures qu'un spermatozoïde s'était aventuré dans une trompe qui était censée, selon la notice, devenir à ce moment inhospitalière.
Ce n'était pas un spermatozoïde très à cheval sur le confort."

"Petite, j'ai fait pas mal d'angines à ma mère.
Aujourd'hui, il semblerait que je lui ai fait une grossesse."

"Je te cherche un petit nom.
J'hésite encore entre ma bosse, ma tumeur, mon erreur, mon accident, mon avorton, mon rien, mon tout, mon embryon, mon clandestin, mon sans-papiers, mon tout-petit, mon envie, ma folie, mon amour."

"Je suis la fille de Bob Marley.
J'ai eu la péridurale.
Je suis complètement défoncée."

4/5
(très bon)

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