jeudi 3 septembre 2015

Faim, ou l'étrangeté

Pour fêter la fin de ma torpeur culturelle estivale, j’ai entraîné une amie qui s’est montrée faible voir un spectacle choisi sur une impulsion, Faim.
A vrai dire, je lui avais fait deux propositions, mais entre le tragique et le sarcastique, elle a opté pour le premier (à mon grand dam).

Le pitch était intriguant et laissait deviner un contexte un peu noir : un jeune homme, écrivain, erre dans les rues de Kristiana, confronté à la misère, à la faim, et, peu à peu, à la folie.


Juchée au troisième étage du théâtre du Lucernaire, la scène est recouverte d’une sorte de tapis clair pelucheux, encadrée par un arbre de noël dont la guirlande clignote impitoyablement, et un distributeur cassé. L’homme, il est assis parmi les spectateurs, et lorsque tout le monde se tait, il se lève et commence à lire.
Son jeu a de quoi décontenancer : pendant toute la pièce, à l’exception de quelques rares moments, il lira son texte (ou prétendra le lire) dans un carnet qui ne quitte pas sa main. Il a le ton de celui qui lit, qui butte sur certains mots, en fait durer d’autres, l’exercice est ardu et exigeant, tant pour l’acteur que pour le spectateur. Lorsque la lecture s’arrête et qu’il déclame sans lire, les émotions surgissent plus fort, il y a une fluidité nouvelle.
Etrange choix donc que celui du simulacre de la lecture!

Le talent du comédien transparaît néanmoins, mais il faut avoir le coeur accroché : on n’est pas là pour plaisanter, en face de nous, le jeune homme dévale la spirale infernale de la pauvreté, bientôt, plus de logis, bientôt, plus rien à manger, et lorsqu’un passant autrefois connu lui fait don d’une belle somme, il file au restaurant se commander un steak que son corps rejette tant il est à présent habitué au jeûne.
La fin de la pièce m’a semblé lancinante, dure, dans cet abri qu’il a trouvé et qui accueille des gens comme lui sans logis, où il se sent mal, presque plus encore que dans la rue.
Il interpelle, on ne sait trop qui, les spectateurs peut-être? Il demande assistance, mais personne ne bouge. Comme si la réaction des spectateurs était la même que celle de ceux qui côtoient au quotidien les victimes de l’indigence, qui ignorent leur détresse et leurs supplications. Comme si la réalité sinistre qui pave les rues de Paris comme de Kristiana n’était rien de plus qu’une pièce de théâtre.
Et la fin semble ne jamais venir.

Un spectacle dérangeant, en somme, qui aurait gagné sans doute à privilégier un jeu plus sobre, sans cet artifice de la lecture qui m’a paru être une entrave plus qu’autre chose.

Allez, il fait encore beau, joie sur la terre!  

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