jeudi 3 septembre 2015

Un jeune homme prometteur, Gautier Battistella

Salué par la critique lors de sa sortie, en plein milieu de la rentrée littéraire 2014, Un jeune homme prometteur est une lecture qui me permet d’œuvrer en faveur de la réduction de ma PAL, puisqu’il s’y exhibe...bah depuis un an.

Et comme les critiques ont parlé du protagoniste comme d’un Rastignac moderne, je vous laisse vous figurer la curiosité fébrile qui m’agitait à son sujet... Sans ajouter que la première partie du livre se passe dans le sud-ouest, région chère à mon cœur s’il en est, ce roman avait donc tout d’un kinder surprise à mes yeux.



A l’abordage.

Le synopsis

Le protagoniste est un orphelin recueilli avec son frère Jeff par Mémé, qui vit dans le village pyrénéen de Labat, où ils passent donc tous les deux leur enfance. Une période marquée par l’agressivité des limaces et les représailles qu’ils mettent au point à leur encontre, les sorts jetés par la sorcière, Madame Petrovna, cette dame russe voisine de Mémé dont ils tuent le chat parce qu’elle leur fait peur, et la lecture à laquelle Madame Petrovna initie notre narrateur, lorsque Mémé le punit et l’oblige à venir nourrir le nouveau chaton qu’il doit lui acheter au marché en réparation.
En grandissant, il développe cette propension pour la littérature, mais ne perd pas pour autant cette noirceur qui l’habite, une violence dont on ne sait jamais si elle est l’oeuvre de Jeff, ou la sienne.
Le roman retrace son parcours, son arrivée à Paris, ses difficultés à percer, l’ironie du sort lorsqu’il recroise des personnages de son passé, sa recherche de ses parents, et toutes les ambivalences de ce personnage complexe et multiple.


Mon avis

Pour un premier roman, je suis espantée (pardon, éberluée. Il paraît que le verbe ”espanter” est circonscrit à la région du sud-ouest – un dérivé de l’occitan-, et qu’il n’existe pas dans le dictionnaire. Après l’avoir utilisé toute ma vie dans un contexte académique puis professionnel, je n’en reviens pas. Dire que personne ne m’a rien dit avant, il a fallu que ce soit word qui s’en charge en soulignant opiniâtrement le dit-mot dans un texte, me conduisant à m’interroger. C’est comme d’avoir vécu quinze ans avec un bout de céleri coincé entre les dents sans que personne n’ait eu l’amabilité de vous le notifier).
La langue est d’une belle richesse, je me suis sentie complètement aspirée par la verve de l’auteur, son goût des mots, tous, sans discrimination, c’est un tourbillon de pensées qui vont même parfois un peu vite et qu’il n’est pas évident de suivre, mais on ne peut se plaindre d’une quelconque platitude ou de lieux communs.
Certains rebondissements sont très surprenants, parfois même trop ; concernant le suspense, je pense qu’un lecteur de thrillers pressent dès les premiers chapitres certaines particularités qui ne seront dévoilées qu’à la toute fin, pour autant, l’auteur sait le ménager, et nous réserve des surprises.
Le narrateur se confond avec l’auteur puisqu’il écrit lui aussi, et sur les limaces, qui plus est (plus répandu qu’on ne le croit, visiblement), il n’hésite pas à nous révéler les coulisses de la création, les rendez-vous avec les éditeurs et les conseils qu’il reçoit avant de les mettre en pratique directement dans le texte...
Ca décoiffe!
Et c’est, je trouve, d’un très bon niveau littéraire.
Bref, Gautier, je plussoie, le titre est très à propos.


Pour vous si...

  • Les limaces ont longtemps constitué pour vous un objet de dégoût et pour votre jardin une menace lugubre. Les moyens d’extermination existent.
  • Vous avez une grande sympathie pour les troubles comme la b* ou la s* (censure car sinon spoiler, je vous laisse donc libres d’imaginer ce que bon vous semblera).
  • La plastique de l’auteur a pour vous autant d’importance que la qualité de sa plume. J’ai vu la photo de Gautier, je comprends que Grasset n’ait pas lésiné à la placarder sur le livre quand il est sorti. Inutile de se demander pourquoi le même traitement n’est pas réservé à Michel.
  • Enfin, si vous avez vous aussi une amie que vous appelez Mémé. Du coup, chaque fois que vous croisez le nom dans le livre, vous ricanez bêtement.


Preuve à l'appui

Morceaux choisis

"Mon frère Jeff dirigeait les opérations. En dépit de mes stratagèmes, il a toujours eu quatre ans de plus que moi."

"Moi, je pensais plutôt qu'un SS était un Allemand beau, mais Jeff disait que les Allemands ne pouvaient pas être très beaux, puisqu'ils étaient boches."

"Votre deuil, de quoi il est mort?"

"Mémé ne votait jamais, par principe. Elle respectait trop la démocratie pour prendre le risque de choisir le mauvais candidat."

"Un horrible métier, contrôleur. On passe son temps à attendre que les autres trébuchent. Ça rend la peau épaisse et l'haleine sale."

"Le destin d'un mollusque, c'est de crever."

"Elle articule, butant un peu sur les "r". Ces filles-là chevauchent même les syllabes, c'est merveilleux."

"Mémé, tu parlais tellement, j'ai dû élaguer." 

Note finale
4/5
(très bon)

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