mardi 29 septembre 2015

La septième fonction du langage, Laurent Binet

J'ai découvert il y a peu le site Myboox, des éditeurs Hachette, qui présente notamment l'intérêt d'organiser régulièrement des concours avec tirage au sort à l'issue desquels les gagnants reçoivent des livres en échange d'une chronique.
J'ai joué, et, ô joie, on m'a gracieusement envoyé la dernière production de Laurent Binet, l'auteur du mirifique HHhH, qui frappe fort avec La septième fonction du langage, puisque le roman, dont on déplore l'absence dans la première sélection du Goncourt, a déjà raflé le prix du roman Fnac 2015, et est en lice pour bon nombre de prix de saison. 
L'heure a sonné de se fendre d'un article sur le sujet.



Le synopsis

Le 25 février 1980, Roland Barthes se fait renverser par une camionnette, et meurt des suites de l'accident. Ce que l'histoire ne dit pas, c'est qu'il était en possession d'un document confidentiel de la plus haute importance. Le commissaire Jacques Bayard et le jeune sémiologue Simon Herzog sont dépêchés par le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, pour retrouver le document en question dans le plus grand secret. Une enquête qui les mènera dans les milieux intellectuels et politiques français du début des années 1980, avant de les plonger au cœur d'un mystère linguistique majeur qui les conduira en Italie et aux Etats-Unis, afin de découvrir l'existence et la nature de la septième fonction du langage.

Mon avis

La première chose qui m'est venue à l'esprit en refermant ce livre, c'est l'audace hallucinante du bonhomme. On ne peut pas lui reprocher d'être lisse et politiquement correct : ses personnages sont non seulement des figures intellectuelles et politiques françaises bien connues, et parfois encore bien vivantes, mais ce qui est truculent, c'est qu'elles en prennent sévèrement pour leur grade.
Au-delà de l'enquête en soi qui effectivement a des airs de Da Vinci Code, avec un rythme haletant et des rebondissements à la pelle, les déconvenues des uns et des autres sont surprenantes, et le plus souvent franchement drôles. Je donnerais beaucoup pour connaître la réaction de certaines personnalités à la lecture de l'oeuvre, comme par exemple BHL ou Philippe Sollers (Philippe prend vraiment très très cher...)...
Le style est vif, c'est un tourbillon, on est plongé dans le domaine sibyllin de la linguistique sans bouée, mais étrangement, l'auteur ne nous noie pas en dépit des références nombreuses et de l'intrigue qui repose tout de même sur une théorie de Jacokson (ça tient de la gageure...).
Un roman donc qui s'éloigne ostensiblement du précédent ouvrage de l'auteur HHhH, mais qui est résolument savoureux, original et efficace.


Pour vous si...
  • Vous aimez les écrits qui débordent de culot et de sensations fortes
  • Vous avez toujours pressenti que les élections présidentielles de 1981 avaient quelque chose de singulier que vous seriez bien incapable d'expliquer
  • Vous adulez Jakobson (existez-vous vraiment?...)
  • L'idée de voir des figures publiques incarnant l'aura intellectuelle malmenées y compris physiquement vous arrache un soupir de satisfaction déplacée

Morceaux choisis

"Simon s'émeut à imaginer Barthes assis à ce bureau, pensant à Stendhal, à l'amour, à l'Italie, sans se douter que chaque heure passée à taper cet article le rapprochait du moment où il allait se faire renverser par une camionnette de blanchisserie."

"Le pouvoir gagne presque à tous les coups, et les intellectuels paient de leur vie, ou de leur liberté, d'avoir voulu se dresser contre lui, et ils mordent la poussière, mais pas toujours, et quand un intellectuel triomphe du pouvoir, même à titre posthume, alors le monde change. Un homme mérite le nom d'intellectuel quand il se fait la voix des sans-voix."

"Mais si jamais c'était la fin de l'histoire, comment le saurait-il? Comment savoir à quelle page de sa vie on en est? Comment savoir quand notre dernière page est arrivée?
Et si jamais il n'était pas le personnage principal? Tout individu ne se croit-il pas le héros de sa propre existence?"


Note finale
4/5
(très bon)

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