lundi 10 octobre 2016

Le cri, Thierry Vila

Roman reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique organisée par Babélio à l'occasion de la rentrée littéraire, Le cri de Thierry Vila m'avait interpellée de par son sujet à première vue singulier, et son titre très...concis. 
Et puis, aussi, Vila, ça me fait penser à Vilard, comme dans Hervé Vilard. Et on oublie un peu trop facilement ce que les accents romantiques et souvent désuets qui nous bouleversent quand on a un peu bu doivent à Hervé Vilard. 
Donc, Hervé, c'est pour toi. 


Le synopsis

Lil Servinsky, médecin d'origine rwandaise, embarque à bord du Septentrion. Dans ce huit-clos très masculin, Lil, de par la distance qu'elle affiche à l'égard de certains et la proximité à l'égard d'autres, de par les rumeurs qui courent bientôt sur son histoire et sa personnalité singulière, bouscule les codes et les mœurs. Alors que Robert Cazal, chef mécanicien, ou Dilan, tombent sous son emprise et l'admirent, d'autres lui vouent mépris, haine ou défiance, dans le milieu hostile de la vie en mer. 

Mon avis

Il m'a fallu quelques jours pour que mon sentiment à l'égard du Cri se distille, me permettant d'appréhender mon propre ressenti.

A l'issue de ce laps de temps, je me trouve partagée quant à cette lecture particulière.
Certains éléments m'ont immédiatement séduite, à commencer par le cadre insolite qu'adopte le roman : un bateau en pleine mer, qui, s'il fait quelques escales, isole les protagonistes du reste du monde, créant ainsi une atmosphère où règnent cette promiscuité et l'impossibilité de fuir ou de se préserver de ces autres, autour et près en permanence. J'ai pensé bien entendu aux Pirates de Fabrice Loi, roman qui m'avait tout à fait envoûtée, et mettait également en scène une femme ensorcelante, Awa.

Les protagonistes, justement, sont à mon sens relativement inégaux : Lil est au centre du récit, et le polarise systématiquement, si bien que les autres protagonistes gravitent autour d'elle sans véritablement parvenir à acquérir une substance, une consistance. Un point qui m'a attristée, car certaines figures étaient extrêmement prometteuses, et, plus explorées encore, auraient pu, je pense, apporter beaucoup au roman, à l'instar de Blache, qui semble n'être qu'un être atrabilaire et froid, ou de Robert, dont on ne sait finalement que la fascination qu'il éprouve à l'endroit de Lil, et dont les incursions dans les autres aspects de sa personnalité demeurent trop limitées et ponctuelles.

En contrepartie, Lil, pour sa part, porte le récit sur ses épaules, et à cet égard, l'auteur parvient à maintenir autour d'elle un halo de mystère tout en ne parlant que d'elle. J'ai parfois eu comme un drôle de sentiment, l'impression que l'auteur était en quelque sorte tombé amoureux de son personnage, Pygmalion moderne qui se devine dans toute la tendresse et la complexité dont il l'entoure.

A ce titre, certains passages intenses et visuels cohabitent avec un style qui, par moment, m'a paru presque captieux, qui aurait pu mieux servir le récit véhiculé.

Le cri m'a donc déroutée, et mérite pour cela une lecture, dans la mesure où je ne suis pas certaine d'être parvenue à percer son mystère.

Pour vous si...
  • Vous voulez vous aussi rendre hommage à Hervé Vilard.
  • Ou, à défaut, vous avez du goût pour les récits aux personnages féminins mystérieux, difficiles à cerner, et -pour cela?- captivants.

Morceaux choisis

"A la lisière de sa conscience, une figure avait surgi d'entre le mouvement secret des êtres et des choses tout autour de lui, comme pulsée par la lente oscillation du navire contre l'horizon. C'était alors qu'il avait levé les yeux vers cette figure à l'instant disparue. Ne restait que du rouge, un magnifique carmin aux lumières violettes qui nimbait son souvenir. Un rouge suave et fort, pour ce qui était désormais indiscernable, et le rouge rebondissait sur la lumière de mer et la blancheur obsédante du navire."

"Robert aussi, donc, connaissait des disparitions semblables en tout point aux siennes propres, dans ces lieux qui les assignaient tous deux au plus fort de la vie. Aucun souvenir d'une telle présence. Tout les reliait à l'abri du visible. Lil eut la conviction qu'une alliance indéfectible s'établissait entre eux. Robert, son frère en disparition."

"Ecrire, oui, pardon, madame, je ne vous avais pas vue, écrire est une humanité, un baiser que l'on donne. Ah, ces cimes d'arbres...c'est le chaud qu'elles libèrent sur ses épaules, la main amicale sur ses épaules. Elle s'est éloignée de l'enfance et du sable. Souvent se reposer la question de la nécessité d'écrire. Souvent (toujours) se dire que l'écriture n'est pas, ne peut pas être un simulacre."


Note finale
2/5
(pas mal)

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