Un roman joyeusement porté par les critiques, une couverture colorée et aguicheuse... Le milieu artiste de New York me manquait, depuis Nous sommes l'eau ou City on Fire. J'ai donc choisi la prose plus abordable de Molly Prentiss pour remettre le couvert.
Le synopsis
Dans le New York des années 1980 se croisent le peintre argentin Raul Engales, qui a laissé derrière lui un pays menacé par la guerre civile et une sœur qui lui manque chaque jour, le critique d'art James Bennett, qui voit les couleurs, et une jeune femme vive et ambitieuse, Lucy, qui va nouer entre eux une relation ambiguë.
Mon avis
J'ai trouvé dans New York, esquisses nocturnes, une approche littéraire qui m'a fait penser à de récentes lectures dans la veine de la littérature américaine réaliste (Wolitzer, Franzen, etc), néanmoins, le ton ici est plus léger, la proximité avec le lecteur plus grande, et on explore dans le roman de Molly Prentiss une forme de lyrisme plus personnelle.
En effet, il y a de la folie et de la fantaisie dans ces protagonistes, et ce en dépit de certains épisodes dramatiques qui jalonnent le récit. James Bennett est sans doute celui qui m'a le plus déroutée : critique d'art, il se distingue par sa faculté à percevoir immédiatement le potentiel, la grandeur d'une oeuvre lorsqu'il pose l’œil sur elle, car l'art, comme les gens qui l'entourent, sont pour lui incarnés par des couleurs à la vivacité plus ou moins marquée. Ainsi, sa compagne, Marge, est rouge, et lorsque son don déserte James, son talent décline, se désagrège, et il ne lui reste qu'à interroger son identité, l'âme en peine.
Par ailleurs, au-delà des protagoniste, c'est une peinture du milieu de l'art que nous propose l'auteur, et qui semble, nécessairement, être largement gangréné par les excès qui s'y produisent, et qui attirent autant qu'ils détruisent. Difficile pour moi de déterminer dans quelle mesure tout cela est réaliste, mais l'ensemble donne le sentiment que l'environnement se révèle nauséabond et néfaste, qu'il cultive une frivolité qui entache la perception de l'élite culturelle américaine.
Le synopsis largement diffusé fait état d'un triangle amoureux auquel j'ai finalement été peu sensible, car s'il y a effectivement des relations croisées entre Raul, James et Lucy, d'autres personnages accaparent également notre attention (Marge, le neveu de Raul...) et peuvent même les supplanter.
En somme, le ton assez touchant du roman, les anecdotes qui le parsèment et les personnalités attendrissantes des protagonistes en font une lecture agréable.
Pour vous si...
- Vous êtes fasciné par la synesthésie
- Les romans qui prennent pour cadre New York la fabuleuse ont toujours votre préférence
Morceaux choisis
"Faire des gâteaux est le métier de Franca, et elle le fait bien. Elle est rapide et efficace, et s'assure que les gâteaux aient du goût. Mais voilà le problème avec la pâtisserie : à l'échelle de l'Univers, ça n'a pas grande d'importance."
"Mais l'ourlet crasseux de la jupe longue de Marge et son rire facile lui suggérèrent que, peut-être, elle serait différente. Que peut-être, elle comprendrait. Et si elle comprenait, peut-être pourrait-elle aussi apprécier de s'entendre dire que faire l'amour avec elle équivalait exactement à déguster une fraise sauvage. Qu'elle était rouge, juteuse, gorgée de pépins minuscules, et qu'après, son goût sucré lui restait dans al bouche pendant des heures."
"Novembre a la couleur d'une peau d'aubergine. L'odeur d'un coffret à bijoux de vieille dame. [...] Le cachemire apparaît. La laine, pas encore. Le mois se traîne, comme plongé dans un demi-sommeil. Il attend. Il sait. Novembre est un mois qui sait. Il sait que partout, des cœurs sont sur le point de se briser ; ça arrive tous les ans à cette période de l'année."
Note finale
3/5
(cool)
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