Cela n'aura pas échappé aux plus perspicaces d'entres vous, depuis quelques jours, le nom de Virginie Despentes parsème la presse littéraire, et pour cause : l'enfant terrible de la littérature française intégrera, à compter de l'édition 2016, le jury du prestigieux prix Goncourt (c'est aussi le cas d'Eric-Emmanuel Schmitt, mais ça ne m'est d'aucune utilité dans le cadre de la rédaction de ce post, donc je ne vais pas m'attarder là-dessus).
Une sacrée consécration, quand on pense au parcours de cette figure unique et à la singularité de son oeuvre.
Bon, je m'avance peut-être un peu, étant donné que je n'ai lu que deux livres de la dame (Baise-moi et Bye bye blondie).
Je me suis donc naturellement tournée vers son dernier roman qui a fait grand bruit, Vernon Subutex, dans le but de parfaire ma culture sur le sujet.
Le synopsis
Les temps sont durs pour Vernon Subutex, la quarantaine bien sonnée, ancien disquaire sur la touche, qui se fait expulser un beau jour de l'appartement dont il est bien en peine de payer le loyer.
Lorsqu'il apprend le suicide de son ami Alex Bleach, musicien qui a percé un temps et qui l'a quelquefois tiré d'affaire, il réalise qu'il va devoir se tourner vers ses anciennes connaissances pour sortir de ce mauvais pas.
Alors que plusieurs personnes sont à sa recherche pour retrouver la dernière interview d'Alex Bleach, Vernon croise des gens qu'il a connus par le passé, constate ce que chacun est devenu, parfois très loin de leurs ambitions d'antan, et il connaît la détresse silencieuse de l'incertitude sans cesse renouvelée d'avoir un toit pour dormir le soir-même.
Mon avis
La lecture de Vernon Subutex a été mouvementée.
Tout d'abord, il m'a fallu un temps pour retrouver le style de Virginie Despentes auquel j'avais déjà goûté dans deux de ses précédentes œuvres.
A certains égards, il m'a semblé que ce roman était moins crû, moins incisif que Baise-moi, par exemple. En revanche, il y a derrière chaque portrait une matière sociologique précieuse, car l'auteur excelle à décrire les modes de vie, les traits de caractère majeurs des personnages qui peuplent sa fresque, et le fait toujours avec une distance sarcastique féroce, dénuée de la moindre complaisance. Complaisance dont le protagoniste ne bénéficie pas non plus, car sa situation n'est pas enjolivée et ses échecs ne sont pas passés sous silence.
Il y a de la dureté dans l'histoire de Vernon, qui est celle de la vraie vie d'un certain nombre de gens : la précarité, l'incertitude, l'humiliation tue, tout ce qu'on pourrait appeler violence symbolique à travers ce que ses connaissances lui imposent en échange d'un hébergement (pour Xavier, ses discours interminables cherchant à avaliser les choix de vie qu'il a faits, et qui démontrent en creux que Vernon est somme toute un bon à rien, pour Sylvie, l'accord de Vernon à servir peu ou proue d'objet sexuel tout en ménageant sa grande jalousie, etc).
Je dois admettre avoir été par moment un peu débordée par la représentation quotidienne de la vie de certains, et la somme de leurs allées et venues, de leurs actions dont certaines ne servent pas nécessairement l'intrigue, ce qui présente néanmoins l'intérêt de constituer un récit plus complexe qu'un roman où chaque élément contribuerait à converger vers le dénouement.
Vernon Subutex peut être lu comme un témoignage, une peinture d'un certain milieu à notre époque, et est pour cela très riche et particulièrement intéressant.
Quant à l'écriture de Virginie Despentes, on aime ou on n'aime pas, mais en tout cas, il faut lui reconnaître une plume singulière, qui permet de l'identifier au bout de quelques phrases.
Trop peu d'auteurs peuvent se targuer de tel exploit, à l'heure actuelle.
Voilà qui vaut bien une place dans le jury Goncourt, non?
Tout d'abord, il m'a fallu un temps pour retrouver le style de Virginie Despentes auquel j'avais déjà goûté dans deux de ses précédentes œuvres.
A certains égards, il m'a semblé que ce roman était moins crû, moins incisif que Baise-moi, par exemple. En revanche, il y a derrière chaque portrait une matière sociologique précieuse, car l'auteur excelle à décrire les modes de vie, les traits de caractère majeurs des personnages qui peuplent sa fresque, et le fait toujours avec une distance sarcastique féroce, dénuée de la moindre complaisance. Complaisance dont le protagoniste ne bénéficie pas non plus, car sa situation n'est pas enjolivée et ses échecs ne sont pas passés sous silence.
Il y a de la dureté dans l'histoire de Vernon, qui est celle de la vraie vie d'un certain nombre de gens : la précarité, l'incertitude, l'humiliation tue, tout ce qu'on pourrait appeler violence symbolique à travers ce que ses connaissances lui imposent en échange d'un hébergement (pour Xavier, ses discours interminables cherchant à avaliser les choix de vie qu'il a faits, et qui démontrent en creux que Vernon est somme toute un bon à rien, pour Sylvie, l'accord de Vernon à servir peu ou proue d'objet sexuel tout en ménageant sa grande jalousie, etc).
Je dois admettre avoir été par moment un peu débordée par la représentation quotidienne de la vie de certains, et la somme de leurs allées et venues, de leurs actions dont certaines ne servent pas nécessairement l'intrigue, ce qui présente néanmoins l'intérêt de constituer un récit plus complexe qu'un roman où chaque élément contribuerait à converger vers le dénouement.
Vernon Subutex peut être lu comme un témoignage, une peinture d'un certain milieu à notre époque, et est pour cela très riche et particulièrement intéressant.
Quant à l'écriture de Virginie Despentes, on aime ou on n'aime pas, mais en tout cas, il faut lui reconnaître une plume singulière, qui permet de l'identifier au bout de quelques phrases.
Trop peu d'auteurs peuvent se targuer de tel exploit, à l'heure actuelle.
Voilà qui vaut bien une place dans le jury Goncourt, non?
Pour vous si...
- Vous aimez les récits qui parlent de la vie urbaine, de ses rues, dans son propre langage
- Vous êtes sensible au style Despentes
- Vous trouvez un certain charme aux mecs un peu décalés avec des noms improbables, et vous n'aimez rien tant que vous moquer sarcastiquement de tous ceux qui incarnent la norme sociale (ces parents supposément comblés, ces femmes et hommes d'affaires super occupés, ces jeunes gens fortunés qui dépensent des sommes astronomiques en drogues et en filles...), en un mot, la satire sociale pas piquée des vers
Morceaux choisis
"La faille, dans la théorie du karma, c'est que ça se saurait, depuis le temps, si se comporter comme un enculé était sanctionné par l'Histoire."
"Elle est devenue ce que ses parents voulaient qu'elle devienne. Elle a passé un concours, elle travaille à l'équipement, elle a troqué son iroquoise pour un carré discret. Elle s'habille chez Zara, quand elle trouve quelque chose à sa taille. Elle se passionne pour l'huile d'olive, le thé vert, elle s'est abonnée à Télérama et elle parle de recettes de cuisine, au boulot, avec ses collègues. Elle a fait tout ce que ses parents désiraient qu'elle fasse. Sauf qu'elle n'a pas eu d'enfant, alors le reste, ça ne compte pas. Aux repas de famille, elle fait tache. Ses efforts n'ont pas été récompensés."
"Tous des sans papa, les petits cons, nés d'une chatte mal fourrée par une bite molle qui pue la pisse. Les pauvres, ils ne savent pas ce que c'est, la virilité. Ils reproduisent la même merde - ils engrossent des meufs pathétiques qu'ils laissent insatisfaites et qui à leur tour pondent des cons qui ne savent pas comment on se tient debout. Bite molle dans chatte moisie, marque mes mots : voilà le problème, aujourd'hui... une nation de larbins frustrés, qu'est-ce que tu veux qu'on en fasse." (on reconnaît avec délice le raffinement typique de la plume de Virginie, n'est-il pas?)
Note finale
3/5
(assez unique en son genre)
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