vendredi 12 février 2016

Avec lui, Nathalie Poitout

Voici un premier roman qui devait me parler d'une belle histoire d'amour.
Un peu comme Star Wars 7 devait être un chef-d'oeuvre, Spectre l'acmé artistique de Sam Mendes, et le gouvernement en place de gauche.
On vous dira qu'il est difficile de maîtriser tous les paramètres. Oui, mais quand même.



Le synopsis

Au début, Marie et Paul s'aiment. Rien que de très classique et de très romantique, c'en serait barbant.
Puis, les signes de la déliquescence apparaissent, imperceptibles d'abord, puis de plus en plus tangibles, de plus en plus nombreux. Paul vit dans le passé, incapable de surmonter la rupture avec son ex-femme, dont il se plaint continuellement auprès de Marie sans se préoccuper de la peine qu'il lui cause. Marie croit fermement que son amour peut sauver Paul.
Ils s'illusionnent tous deux, jusqu'à ce que le constat soit indéniable, et que l'histoire touche à sa fin.


Mon avis

On pourrait en effet, sous un certain angle de vue, j'imagine, présenter Avec lui comme une histoire d'amour.
Sinon, on peut aussi dire que c'est l'histoire d'une femme à l'instinct de survie déplorable, qui entreprend une quête et surtout une mission sauvetage en s'éprenant de Paul (qui est un gros trouduc), se figurant que la pureté et la force de ses sentiments vont le ramener dans le droit chemin (allô : le mec est con au-delà du point de non-retour, y'a pas vraiment de remède contre ça...).
Alors que les choses se présentent sous les meilleurs auspices (et pour le lecteur, également, les plus ennuyeux), rapidement, le récit se déséquilibre, et alors que Paul et Marie formaient les deux facettes d'une même médaille, leurs traits se précisent, et on réalise combien différents ils peuvent être.
Il est intéressant, par exemple, de noter que la parole est toujours laissée à Paul pour exprimer son désarroi, ses émotions, avec ses propres mots.
Il n'y a jamais de retranscription des paroles dites par Marie, tout au plus la lettre qu'elle écrit à Paul, et la peinture de son paysage intérieur, comprendre : la déferlante d'émotions par lesquelles elle passe grâce au concours de ce cher Paul.
Reprenons : on commence donc à comprendre qu'ils sont très différents, et que Paul vit dans le regret, et l'idéalisation, de sa vie d'avant, de son ex-femme Marine, qui était belle, canon, superbe, il ne tarit pas d'éloges, et surtout il ne manque pas d'en abreuver Marie. Sympa.
Déjà, à ce stade du récit, tu te demandes pourquoi Marie ne prend pas ses jambes à son cou.
Mais non, c'est qu'elle est amoureuse, elle va boire la coupe jusqu'à la lie, et se farder le Paul dans ses humeurs noires, dans ses flatteries d'ego, elle en rajoute d'ailleurs, car dans ses yeux ne comptent que l'intelligence et le charisme de Paul, le reste (sa bile qu'il ne lui épargne pas, son inertie dans leur relation, sa cruauté à lui faire ressentir qu'elle ne fait pas partie de sa famille, et qu'il est hors de question qu'il lui fasse un enfant, vu qu'il en a déjà deux, merci mais ça va, je passe mon tour, tant pis pour toi ma grande) n'est que broutille.
Bref, on comprend donc dans quel piège à rat est prise la pauvre Marie, pourtant le narrateur prend soin de ne jamais accabler franchement Paul (qui le mérite) et c'est finalement ce qui fait en quelque sorte la force du récit : on n'est pas dans un manichéisme à la Eric Reinhardt, où le lecteur n'a d'autre choix que de plaindre la pauvre Bénédicte et d'honnir son mari.
Ici, certes, on ressent la distance de Paul et ses "caprices", mais Marie est tout autant responsable de la relation dans laquelle elle se retrouve : elle a consenti aux compromissions, à son rôle de pièce rapportée, de deuxième choix moins bon que le premier, de nunuche un peu gourde qui aime Paul qui aime surtout être aimé. La façon dont sont décrits les sentiments de l'un et de l'autre est pour cela flagrante : pour Marie, il est question de l'amour absolu qu'elle voue à Paul, et qui la porte, qui l'emplit de joie. Pour Paul, il est question de l'amour que Marie lui porte, qui le vivifie, contribue à flatter son ego, à lui permettre d'exprimer sa puissance virile (pas dans le bon sens du terme, vous l'aurez compris).
Bref, Paul est une bouse, Marie est un peu nouille de se contenter de ça, mais à la rigueur, on lui pardonne, ce n'est pas facile de se dégager d'un amour mal attribué.
Somme toute, le roman  est assez bon, car il parvient à retracer l'histoire d'un amour d'apparence parfait (les premières pages, à vomir d'ailleurs), et dont les failles et la précarité se dessinent, se révèlent peu à peu, jusqu'à ce que l'on comprenne qu'elles sont trop grandes pour ne pas avoir raison de l'amour en question.
Il y a là des enseignements à tirer pour fuir à tout prix les êtres aussi nazes que Paul.


Pour vous si...
  • Vous tombez sans cesse sur le/la mauvais(e) partenaire, et ne parvenez pas à comprendre pourquoi le sort s'acharne ainsi sur vous 
  • Vous ne vous énervez pas si on découpe la phrase en quatre bouts en mettant des points au milieu. Après. Tout. C'est la grande. Classe. 

Morceaux choisis

"On voit ici que l'amour de Paul et de Marie évolue. Paul a des mots plus tranchés. Il a des paroles dures. Il aime que Marie soit là, avec eux ; en même temps, elle n'est là que parce que sa femme l'a quitté. Marie est, d'une certaine façon, le symbole de son échec." (on sent poindre l'ombre du gentleman)

"Marie souffre en silence. "Mes amis disaient de ma femme qu'elle était belle. Ils disent de toi que tu es charmante."" (pauvre misérable raclure)

"L'idée de son amour pour Paul peut la faire pleurer. Elle regarde la mer. Elle veut garder cette émotion pour elle. Cet amour. Total. Absolu. Merveilleux.
Paul se réjouit de la joie de Marie. Marie est heureuse. Il la regarde. Elle respire le bonheur. Il sent combien elle l'aime à cet instant précis. Paul retourne à ses écrits. Il sent sur lui le regard follement amoureux de Marie." (exemple de déséquilibre des sentiments)

"Il dit à Marie qu'il adore son style, ses émotions. Qu'il aime la façon dont elle l'aime. Qu'il se sent apaisé, euphorique après l'amour.
Paul la remercie de lui donner force et bonheur pour surmonter les obstacles. Mais Paul prévient aussi: "Je ne sais pas si je pourrais croire encore au bonheur." "

"Marie comprend alors qu'elle n'aura jamais d'enfant. Qu'elle n'aura jamais de famille à elle. Marie comprend qu'elle doit réaliser quelque chose dont l'accomplissement ne tiendrait qu'à elle. Elle a besoin de se prouver qu'elle existe encore.
Elle doit réinventer sa vie. En dehors d'elle. Elle, où tout est gouffre. Elle sait qu'elle doit chercher ailleurs un lieu nouveau. Elle doit chercher une activité qui comblera le temps. Qui remplira ses soirées. Ses week-ends. Qui compensera les conversations qu'elle n'a plus."

"Elle prend des photos pour saisir cette atmosphère à la fois sensuelle et pétrifiante. Les couleurs lui font penser aux univers du cinéaste Wong Kar-Wai."

"Elle est. Ce bout du monde."


Note finale
2/5
(pas mal)

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