Deuxième lecture dans le cadre de la bibliothèque Orange : cette fois-ci, direction l'Afrique et ses réserves exotiques, avec Quand j'étais vivant, d'Estelle Nollet.
Quatre protagonistes se retrouvent alors qu'ils viennent de mourir, qui se côtoyaient de leur vivant, enfermés dans une pièce où sont projetés des films de leur vie : un homme blanc, Harrison, un homme noir, N'Dilo, un jeune garçon albinos, Juma, et l'éléphante Pearl.
Tous ont vécu à proximité d'une réserve en Afrique où ils ont passé leur vie, ont vu leur quotidien changer, les braconniers tuer les animaux sans pitié et laisser derrière eux des charniers pour vendre l'ivoire des éléphants ou la fourrure d'autres bêtes, la réserve s'est transformée au fil du temps en destination touristique. Harrison se remémore la mort violente de sa femme, Travis, l'arrivée de Juma qu'il a pris sous son aile et aimé comme un fils, cet enfant avec un moignon en guise de bras, qui a fui la communauté où il vivait avec d'autres albinos, dont les membres étaient prisés pour être revendus. N'Dilo a été élevé avec Harrison, fils de la domestique employée par la famille d'Harrison, renvoyée après avoir été violée par une connaissance du père d'Harrison. Il a servi toute sa vie durant un chef de guerre brutal qui l'a finalement torturé avant de lui rendre sa liberté. Pearl, quant à elle, a vécu dans la réserve d'Harrison, et a noué un lien de proximité inédit avec Harrison et Juma.
A mesure que les films défilent, leur vie se dessine, et certains enjeux jusqu'alors occultes sont révélés au grand jour.
Voilà une lecture que je ne vais pas oublier de si tôt!
L'approche est assez originale, reconnaissons-le : grâce au procédé consistant à placer les protagonistes morts dans une même pièce en les contraignant à voir défiler leur vie, le lecteur appréhende à la fois les liens et les tensions qui existent entre eux, certains éléments sont dévoilés au fur et à mesure, tandis que les tranches de vie dans lesquels on est plongés à la manière d'extraits vidéos détaillent le parcours de chacun, son caractère, ses blessures, tout ce qui a été marquant pour lui.
La construction est donc particulièrement ingénieuse, maintient le suspense jusqu'à la toute dernière page du roman, et donne à l'intrigue une structure et un rythme agréables.
En outre, il y a, bien entendu, le sujet et le lieu : une réserve africaine dans la deuxième moitié du XXe siècle, c'est aussi insolite que passionnant!
Le cadre est minutieusement décrit, on fait le tour des animaux de la savane, et l'on aborde les enjeux géopolitiques régionaux dont on entend tous parler, sans peut-être les associer à une réalité (celle, par exemple, des charniers d'animaux massacrés pour que certains de leurs attributs soient revendus sur le marché noir).
Il n'y a pas, cependant, de discours simplifié ou parcellaire : les pages consacrées au débat entre Harrison et N'Dilo m'ont paru particulièrement percutantes, dévoilant la complexité qu'il y a derrière des situations dont au peut, au demeurant, croire qu'elles sont faciles à lire : Harrison a beau jeu de reprocher à N'Dilo son engagement aux côtés d'un homme sanguinaire qui a décimé un grand nombre de gens et plus encore d'animaux, il est intéressant de lire les arguments que lui oppose N'Dilo, concernant l'appropriation des terres par les blancs, le double jeu joué par les pays occidentaux condamnant les guerres ethniques locales mais fournissant les armes et achetant l'ivoire, ou encore la transformation de la réserve en lieu de tourisme où les animaux évoluent comme dans un zoo.
Personne ne ressort blanc ou noir de cette confrontation, en revanche, le lecteur dispose d'éléments instructifs pour comprendre les problématiques soulevées par l'intrigue.
Le style est vif et imagé, les mots d'Estelle Nollet ont une saveur d'ailleurs, même les comparaisons s'écartent des lieux communs et sont revisitées à la sauce locale, donnant au récit une empreinte et une couleur singulières.
Cette découverte est donc très concluante, j'ai pris grand plaisir à m'immerger dans l'aridité africaine et la palette des animaux étranges qui y prospèrent - ou pas, justement.
"Ce jour-là, Harrison réinstalla le hamac sous la véranda et s'endormit en moins de temps qu'il n'en faut à un python pour mordre un daman et l'étouffer."
"Domino devant lui semblait ne pas se soucier de la boue qui le ralentissait à peine, alors qu'Harrison serrait les mâchoires à chaque fois qu'il extirpait les pieds du sol gluant et s'essoufflait comme un zèbre qui aurait tenté maintes fois de ruer et de se relever malgré les griffes des lionnes qui l'auraient cloué au sol avant de planter leurs crocs dans sa trachée et de resserrer leur étau pour l'étouffer." (Voilà quelqu'un qui a le sens de la comparaison. A réexploiter).
Le synopsis
Quatre protagonistes se retrouvent alors qu'ils viennent de mourir, qui se côtoyaient de leur vivant, enfermés dans une pièce où sont projetés des films de leur vie : un homme blanc, Harrison, un homme noir, N'Dilo, un jeune garçon albinos, Juma, et l'éléphante Pearl.
Tous ont vécu à proximité d'une réserve en Afrique où ils ont passé leur vie, ont vu leur quotidien changer, les braconniers tuer les animaux sans pitié et laisser derrière eux des charniers pour vendre l'ivoire des éléphants ou la fourrure d'autres bêtes, la réserve s'est transformée au fil du temps en destination touristique. Harrison se remémore la mort violente de sa femme, Travis, l'arrivée de Juma qu'il a pris sous son aile et aimé comme un fils, cet enfant avec un moignon en guise de bras, qui a fui la communauté où il vivait avec d'autres albinos, dont les membres étaient prisés pour être revendus. N'Dilo a été élevé avec Harrison, fils de la domestique employée par la famille d'Harrison, renvoyée après avoir été violée par une connaissance du père d'Harrison. Il a servi toute sa vie durant un chef de guerre brutal qui l'a finalement torturé avant de lui rendre sa liberté. Pearl, quant à elle, a vécu dans la réserve d'Harrison, et a noué un lien de proximité inédit avec Harrison et Juma.
A mesure que les films défilent, leur vie se dessine, et certains enjeux jusqu'alors occultes sont révélés au grand jour.
Mon avis
Voilà une lecture que je ne vais pas oublier de si tôt!
L'approche est assez originale, reconnaissons-le : grâce au procédé consistant à placer les protagonistes morts dans une même pièce en les contraignant à voir défiler leur vie, le lecteur appréhende à la fois les liens et les tensions qui existent entre eux, certains éléments sont dévoilés au fur et à mesure, tandis que les tranches de vie dans lesquels on est plongés à la manière d'extraits vidéos détaillent le parcours de chacun, son caractère, ses blessures, tout ce qui a été marquant pour lui.
La construction est donc particulièrement ingénieuse, maintient le suspense jusqu'à la toute dernière page du roman, et donne à l'intrigue une structure et un rythme agréables.
En outre, il y a, bien entendu, le sujet et le lieu : une réserve africaine dans la deuxième moitié du XXe siècle, c'est aussi insolite que passionnant!
Le cadre est minutieusement décrit, on fait le tour des animaux de la savane, et l'on aborde les enjeux géopolitiques régionaux dont on entend tous parler, sans peut-être les associer à une réalité (celle, par exemple, des charniers d'animaux massacrés pour que certains de leurs attributs soient revendus sur le marché noir).
Il n'y a pas, cependant, de discours simplifié ou parcellaire : les pages consacrées au débat entre Harrison et N'Dilo m'ont paru particulièrement percutantes, dévoilant la complexité qu'il y a derrière des situations dont au peut, au demeurant, croire qu'elles sont faciles à lire : Harrison a beau jeu de reprocher à N'Dilo son engagement aux côtés d'un homme sanguinaire qui a décimé un grand nombre de gens et plus encore d'animaux, il est intéressant de lire les arguments que lui oppose N'Dilo, concernant l'appropriation des terres par les blancs, le double jeu joué par les pays occidentaux condamnant les guerres ethniques locales mais fournissant les armes et achetant l'ivoire, ou encore la transformation de la réserve en lieu de tourisme où les animaux évoluent comme dans un zoo.
Personne ne ressort blanc ou noir de cette confrontation, en revanche, le lecteur dispose d'éléments instructifs pour comprendre les problématiques soulevées par l'intrigue.
Le style est vif et imagé, les mots d'Estelle Nollet ont une saveur d'ailleurs, même les comparaisons s'écartent des lieux communs et sont revisitées à la sauce locale, donnant au récit une empreinte et une couleur singulières.
Cette découverte est donc très concluante, j'ai pris grand plaisir à m'immerger dans l'aridité africaine et la palette des animaux étranges qui y prospèrent - ou pas, justement.
Pour vous si...
- Vous attendez d'une lecture qu'elle vous transporte en territoire inconnu
- Vous êtes persuadé que les éléphants ne nous en veulent pas vraiment
- Vous ne vous faites pas d'illusion sur l'amitié, et savez bien, au fond, que vos amis seront les premiers à vous poignarder dans le dos quand l'occasion se présentera (auquel cas, vous apprécierez sans doute le livre, mais prenez soin s'il vous plaît de me soigner ce petit côté misanthrope, hein?)
Morceaux choisis
"Ce jour-là, Harrison réinstalla le hamac sous la véranda et s'endormit en moins de temps qu'il n'en faut à un python pour mordre un daman et l'étouffer."
"Domino devant lui semblait ne pas se soucier de la boue qui le ralentissait à peine, alors qu'Harrison serrait les mâchoires à chaque fois qu'il extirpait les pieds du sol gluant et s'essoufflait comme un zèbre qui aurait tenté maintes fois de ruer et de se relever malgré les griffes des lionnes qui l'auraient cloué au sol avant de planter leurs crocs dans sa trachée et de resserrer leur étau pour l'étouffer." (Voilà quelqu'un qui a le sens de la comparaison. A réexploiter).
Note finale
4/5
(excellent)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire