C'était le phénomène attendu de la rentrée littéraire d'hiver : le grand retour d'Edouard Louis, auteur du très impressionnant En finir avec Eddy Bellegueule, et dont on attendait en trépignant le deuxième roman.
Il est là, c'est Histoire de la violence, et c'est inattendu, puisque c'est inspiré de l'agression que l'auteur a véritablement connu en 2012, lorsqu'il a fait monter chez lui un inconnu qui a fini par le gratifier d'une tentative de meurtre et d'un viol. Y'a des gens pas sympas quand même.
Le synopsis
Edouard est dans une chambre depuis laquelle il entend sa sœur Clara raconter à son mari le récit de l'agression qu'il a subie.
Ainsi dit-elle, dans son langage propre, la rencontre avec Reda, le soir de Noël 2012, leur conversation dans la rue avant qu'Edouard ne l'invite à monter chez lui, leurs ébats, et puis la chute vertigineuse, la suspicion de vol, la confrontation, et, pour finir, la violence pure.
Mon avis
Vous dire que j'étais fébrile à l'idée de découvrir ce deuxième roman tient presque de la litote.
L'intervention de l'auteur dans la Grande Librairie m'avait paru à la fois juste et intéressante, dans ce qu'il disait de ce que la littérature excluait et qu'il voulait y ramener (en référence au langage, disons populaire, du personnage de Clara), mais aussi touchante, bien entendu, dans la mesure où le récit relaté puise dans une expérience personnelle (on est proche de l'autofiction - le personnage de Clara est inventé, le reste ne l'est visiblement pas).
Mes ardeurs avaient été refroidies par la moue dubitative de Nombre Premier qui l'avait lu en avant-première, et ne voulait rien m'en dire pour préserver un œil neuf sur le roman.
Et bien, mon sentiment général est assez mitigé.
Edouard Louis a un certain talent pour raconter, et les premières 50 pages accrochent, j'ai eu le sentiment de retrouver la fluidité du premier roman, et cette seule idée me submergeait de joie.
Malheureusement, j'ai ensuite eu le sentiment que le récit péchait de par la construction à mon sens oiseuse : le fait que le récit soit rapporté par Clara apporte à mon sens bien peu à l'ensemble, et cela me semble être dès lors une tentative presque scolaire, une expérience académique, sans véritable valeur ajoutée pour le lecteur. J'entends bien sûr que le fait d'introduire ce personnage fictif permette de créer une distance par rapport aux faits vécus, mais cela n'enlève rien au sentiment de factice que j'ai éprouvé en étant confrontée à cette mise en scène. Il y a par ailleurs quelques petits ratés : la langue employée par Clara est de l'ordre du registre familier, et par moment, certains mots un peu sophistiqués font tâche, ils ne cadrent pas avec le niveau de langue du discours par ailleurs.
Passé ce point, j'ai été également déçue par le contenu du récit : à la façon dont le synopsis le présentait, je m'étais figurée que le roman se centrerait sur la figure de Reda, sur son parcours, celui de son père, et que l'ambition clairement édictée (esquisser une histoire de la violence) sous-entendait une volonté de l'auteur de tâcher d'identifier certaines racines de la violence, ses origines, les conditions de sa réalisation, ce qui pouvait y conduire et qui pouvait être d'ordre endogène ou exogène à l'individu en question.
Et bien, point du tout, ou bien peu : l'histoire est celle de la violence subie, et de la tentative de la dire. Ce n'est pas un mal, mais c'est autre chose que ce que j'attendais, et surtout, cela m'a donné l'impression que le récit était très auto-centré, qu'il jouait le rôle d'une carthasis pour l'auteur, mais que le lecteur était quelque peu négligé dans tout cela.
C'est assez dommage, car le talent d'Edouard Louis est bien là, ses analyses sur le racisme ambiant révélé lorsqu'il raconte son récit à ses différents interlocuteurs (proches, policiers, etc) ne manquent pas d'intérêt ; l'art du récit s'est retrouvé selon moi entravé par l'envie de tenter des choses, et de dire peut-être une histoire qui lui pesait, mais l'ensemble reste, je crois, très honnête, quand on songe à l'âge de l'auteur.
Je laisse donc à Edouard le bénéfice du doute, un deuxième roman est une épreuve, et l'ambition était élevée.
Mais je serai curieuse de découvrir son prochain roman, en espérant y retrouver plus de la force folle de son premier écrit que de ce second qui me laisse un arrière-goût un peu frustrant.
L'intervention de l'auteur dans la Grande Librairie m'avait paru à la fois juste et intéressante, dans ce qu'il disait de ce que la littérature excluait et qu'il voulait y ramener (en référence au langage, disons populaire, du personnage de Clara), mais aussi touchante, bien entendu, dans la mesure où le récit relaté puise dans une expérience personnelle (on est proche de l'autofiction - le personnage de Clara est inventé, le reste ne l'est visiblement pas).
Mes ardeurs avaient été refroidies par la moue dubitative de Nombre Premier qui l'avait lu en avant-première, et ne voulait rien m'en dire pour préserver un œil neuf sur le roman.
Et bien, mon sentiment général est assez mitigé.
Edouard Louis a un certain talent pour raconter, et les premières 50 pages accrochent, j'ai eu le sentiment de retrouver la fluidité du premier roman, et cette seule idée me submergeait de joie.
Malheureusement, j'ai ensuite eu le sentiment que le récit péchait de par la construction à mon sens oiseuse : le fait que le récit soit rapporté par Clara apporte à mon sens bien peu à l'ensemble, et cela me semble être dès lors une tentative presque scolaire, une expérience académique, sans véritable valeur ajoutée pour le lecteur. J'entends bien sûr que le fait d'introduire ce personnage fictif permette de créer une distance par rapport aux faits vécus, mais cela n'enlève rien au sentiment de factice que j'ai éprouvé en étant confrontée à cette mise en scène. Il y a par ailleurs quelques petits ratés : la langue employée par Clara est de l'ordre du registre familier, et par moment, certains mots un peu sophistiqués font tâche, ils ne cadrent pas avec le niveau de langue du discours par ailleurs.
Passé ce point, j'ai été également déçue par le contenu du récit : à la façon dont le synopsis le présentait, je m'étais figurée que le roman se centrerait sur la figure de Reda, sur son parcours, celui de son père, et que l'ambition clairement édictée (esquisser une histoire de la violence) sous-entendait une volonté de l'auteur de tâcher d'identifier certaines racines de la violence, ses origines, les conditions de sa réalisation, ce qui pouvait y conduire et qui pouvait être d'ordre endogène ou exogène à l'individu en question.
Et bien, point du tout, ou bien peu : l'histoire est celle de la violence subie, et de la tentative de la dire. Ce n'est pas un mal, mais c'est autre chose que ce que j'attendais, et surtout, cela m'a donné l'impression que le récit était très auto-centré, qu'il jouait le rôle d'une carthasis pour l'auteur, mais que le lecteur était quelque peu négligé dans tout cela.
C'est assez dommage, car le talent d'Edouard Louis est bien là, ses analyses sur le racisme ambiant révélé lorsqu'il raconte son récit à ses différents interlocuteurs (proches, policiers, etc) ne manquent pas d'intérêt ; l'art du récit s'est retrouvé selon moi entravé par l'envie de tenter des choses, et de dire peut-être une histoire qui lui pesait, mais l'ensemble reste, je crois, très honnête, quand on songe à l'âge de l'auteur.
Je laisse donc à Edouard le bénéfice du doute, un deuxième roman est une épreuve, et l'ambition était élevée.
Mais je serai curieuse de découvrir son prochain roman, en espérant y retrouver plus de la force folle de son premier écrit que de ce second qui me laisse un arrière-goût un peu frustrant.
Pour vous si...
- Vous vous complaisez dans les constructions alambiquées
- Vous vous y retrouvez dans les expressions du nord
- L'idée qu'un personnage raconte l'histoire d'un autre personnage qui est juste dans la chambre à côté ne vous choque pas, et que vous adoriez enfant le jeu du téléphone arabe
Morceaux choisis
"Le matin du 25, quelques heures à peine après cette scène, j'ai marché et pédalé jusque chez Henri, et sur la route je pensais encore : Dans une semaine tu te diras : Ça fait déjà une semaine que c'est arrivé, allez, et dans un an tu te diras : Ça fait déjà un an que c'est arrivé."
"J'ai dit à Clara qu'il devait être un homme qui avait toujours vécu avec le fantasme de partir, de fuir. Son père. C'est un fantasme banal mais il y a bien des sortes de banalités qui émancipent, c'est vrai. Je lui ai dit qu'il avait peut-être voulu aller là où il n'avait ni amis, ni famille, ni passé, c'est ce que j'ai pensé quand je suis parti pour la ville la première fois alors je ne dois pas être le seul, je ne peux pas être le seul, et bien sûr je sais que c'était naïf, que j'étais naïf, mais je sais aussi, depuis, que la naïveté est une condition de la fuite. Que sans naïveté on ne fuit pas."
"Je suppose qu'il est naturel d'imaginer son enterrement, Geoffroy me dit que tout le monde y pense au moins une fois, et je ne sais pas quoi penser quand il me dit ça, je suis déchiré entre la honte d'être comme tout le monde et le soulagement de ne pas être anormal."
Note finale
2/5
(pas mal)
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