jeudi 4 février 2016

Le chameau sauvage, Philippe Jaenada

Après la découverte fabuleuse de La petite femelle cet automne, je me suis promis d'explorer l'oeuvre de Philippe Jaenada (<3).
Voici donc Le chameau sauvage, son premier roman, qui s'est vu récompenser par le Prix de Flore 1997 (presque vingt ans, ça fait bizarre...).
La couverture était tout à fait intrigante et décalée, il fallait bien que le roman le soit aussi. 




Le synopsis

Halvard Sanz, le protagoniste, est un homme au demeurant fort sympathique, qui doit composer dans son quotidien avec un lot particulièrement impressionnant de coups du sort dont il s'acharne ensuite à se dépêtrer. Innocente victime d'une bavure policière, naïf hôte d'une jeune ogresse qui réduit sa cuisine en charpie, amoureux transi qui manque régulièrement l'occasion de prouver la force de son amour à sa dame Pollux Lesiak, sans cesse malmené par les fantaisies de l'alcool et les aventures les plus pittoresques, il poursuit toujours son chemin tant bien que mal, sans jamais se décourager.

Mon avis

Vous serez heureux d'apprendre qu'il y a vingt ans, Philippe avait toujours cet humour formidable et mordant qui s'épanouit tendrement dans La petite femelle. Je n'ai eu à lire que quelques lignes pour avoir la preuve que la lecture serait succulente, et le protagoniste haut en couleur : capable d'une extrême auto-dérision, l'être étrange et singulier qu'est Halvard Sanz est un héros de la modernité. Sa vie est une suite de catastrophes qu'il peine à démêler, et c'est absolument savoureux : comment ne pas rire à l'improbable interrogatoire policier dont il fait l'objet? Ses déboires dans sa quête de Pollux Lesiak sont insondables (mention spéciale à Nadège Monin et à Laure, qui donnent lieu à des réveils jubilatoires), on voit poindre les ennuis avec délice, et s'il joue de malchance, il bénéficie à point nommé de la clémence du sort qui finit toujours par l'épargner, en dépit des moments pénibles qu'il doit néanmoins endurer et auxquels il se soumet avec un sentiment proche de la naïveté, et comme empreint de résignation dans le même temps.

Ainsi, chaque jour de la vie d'Halvard est jalonné de rebondissements farfelus, loufoques, mais aucun ne parvient à avoir raison de l'énergie positive et de l'optimisme d'Halvard, qui théorise à tout va, et apprend de tout ce qui lui arrive.

Je dois néanmoins reconnaître une petite baisse de régime entre la page 50 et la page 150, mais ensuite, le rythme reprend, et j'ai pour finir été convaincue par le récit improbable et qui ne ressemble à rien d'autre.
Et, bien sûr, il a été particulièrement intéressant de découvrir cette oeuvre en ayant lu déjà La petite femelle, pour ainsi mesurer le chemin parcouru entre les deux romans, et la façon dont l'art de Jaenada a évolué, en partant d'un récit plus ou moins inspirée de sa propre vie, pour aller vers un travail d'exploration quasi-scientifique et journalistique, et réhabiliter un personnage que l'Histoire et ses contemporains ont lourdement condamné (Pauline Dubuisson).

Un régal, donc, qui me conforte dans l'envie vivace de poursuivre l'investigation de l'oeuvre de Philippe Jaenada!


Pour vous si...
  • Vous vous demandez ce qu'il en est, du chameau sauvage
  • Vous plaignez amèrement les gens qui jouent de chance et de malchance dans leur vie comme s'ils étaient soumis sans cesse à un ascenseur émotionnel hystérique

Morceaux choisis

"Face à un Hannibal estomaqué par mon culot, j'ai levé les mains - ce qui signifiait clairement, à mon avis : "C'est fini, je ne plaisante plus" - et l'ai fusillé du regard pour qu'il comprenne bien qu'il lui faudrait me passer sur le corps s'il voulait continuer à molester le chenu. J'étais beau, j'étais noble.
A ma grande fureur, il m'est passé sur le corps. Je me suis immédiatement effondré comme une masse et suis resté étendu au sol."

"- T'aurais pas une idée derrière la tête, toi, par hasard?
- Moi? Non...
Le cador; la classe. Où diable suis-je allé chercher cette réponse? L'impro à l'état brut, le tréfonds de l'âme qui prend le contrôle de la situation - la réponse imprévisible, quasi géniale, qui surgit des profondeurs de l'inconscient comme un jet de lave d'un volcan éteint depuis des siècles."

"Je suis allé en titutrébuchant jusqu'à mon cher fauteuil, sur lequel je me suis effondré comme mort. Caracas [le chat] me regardait comme m'aurait regardé Jésus-Christ s'il était revenu juste pour moi." (Contexte : après une soirée arrosée)

"Sa soirée se passait du côté de l'Opéra, les Zoptek habitaient dans le treizième. Où nous étions-nous croisés entre ces deux points? Qui avait abordé l'autre? Ces questions resteraient sans réponse jusqu'à la disparition de toute vie sur terre."

"Le chat, petit et insuffisamment musclé, doit surtout compter sur la ruse, la surprise et l'intimidation psychologique pour triompher d'un adversaire humain."

"Le chameau sauvage fait ce qu'il veut.
Le chameau sauvage décide lui-même de tout.
Il suffit que le chameau sauvage se croie invincible pour qu'il le devienne.
Personne ne peut rien contre le chameau sauvage."


Note finale
3/5
(cool)

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