mercredi 24 février 2016

L'intérêt de l'enfant, Ian McEwan

Depuis l'Opération Dent douce, je n'avais qu'une hâte : retrouver la plume de Ian McEwan. C'est la dynamique qui m'a poussée à lire son dernier roman, L'intérêt de l'enfant, plus modeste en volume que Sweet Tooth, mais dont le synopsis n'en était pas moins alléchant. Je vous laisse en juger.



Le synopsis

Fiona Maye a soixante ans et est spécialisée dans le droit des enfants en tant que magistrate reconnue.
Alors que sa vie personnelle bat de l'aile, et que son mari Jack s'éloigne, elle est touchée par une affaire complexe : un adolescent malade, Adam Henry, refuse la transfusion préconisée par le corps médical pour lui sauver la vie, du fait de ses convictions religieuses (papa et maman sont des témoins de Jéhovah, et Adam se range derrière eux en file indienne). Afin de pouvoir trancher, Fiona décide de rencontrer Adam afin de déterminer dans quelle mesure son libre-arbitre s'exerce dans cette position, et où se trouve son intérêt qu'elle se doit de défendre.
Mais la rencontre avec ce garçon singulier s'avère plus marquante que ce qu'elle n'imaginait.


Mon avis

Ce qui m'a plu avant tout dans ce roman, ce sont les cas exposés, qui obligent à sortir des sentiers battus, et sur lesquels il est difficile, je pense, d'avoir un avis catégorique au demeurant.

Il y a, d'abord, le "cas" Jack, ce mari jusqu'alors fidèle et dévoué qui expose à sa femme qu'il a besoin d'un regain de vie sexuelle, et, notant le peu d'intérêt de Fiona sur le sujet depuis un certain temps, il se propose d'aller chercher ailleurs ce qu'elle rechigne à lui offrir. Alors, vous l'imaginez bien, Jack a d'abord été largement conspué par Bibi (appelons Bibi mon jugement qui se manifeste parfois presque par lui-même sans que je n'aie à le solliciter), mais la suite des faits a semé le doute dans l'esprit de Bibi : Jack se targue de faire preuve d'honnêteté en proposant ce "deal" à Fiona, de ne pas pouvoir renoncer à sa vie sexuelle même par amour de Fiona, et là-dessus, Bibi comprend bien qu'il y a des choses difficiles à réconcilier : l'amour doit-il mener à refréner tout besoin personnel pour le bien-être et l'équilibre de l'autre? N'est-ce pas l'autre, alors, qui fait preuve d'égoïsme en acceptant cette négation des besoins de sa moitié par elle-même? Bref, Bibi a son avis sur la question, mais force est d'admettre que ce n'est pas forcément tout blanc ou tout noir (disons simplement que Jack est un peu gonflé).

Ensuite, évidemment, vient le cas Adam : un juge est humain, peut-il savoir en toutes circonstances ce qui est dans l'intérêt d'un enfant? Et lorsque l'enfant presque adulte donne toutes les preuves de son discernement et de sa maturité, peut-on le laisser décider librement de sa vie, et de sa mort? Sous quelles conditions les croyances religieuses peuvent-elles être écartées, qui peut définir le moment à partir duquel elles deviennent nocives pour celui qui s'y soumet?

L'auteur apporte des bribes de réponse, en proposant le choix de Fiona, et en démontrant quelles sont les répercussions possibles de ce scénario. A mon sens, le récit tire sa force de ce que ce scénario n'est pas parfait, et qu'aucune des deux solutions ne pouvait être satisfaisante (bien sûr, dans une proportion différente pour chacune d'elles).
Ian McEwan nous fait donc réfléchir sur des questions qui peuvent s'édifier en questions de société, dans la mesure où elles interrogent les possibilités de cohabitation du libre arbitre de chacun et des règles instituées collectivement pour la bonne marche de la société, règles qui peuvent représenter une certaine ingérence dans le sentiment de liberté de chacun et de disposition de son corps, dans le cas présent.
Ajoutez à cela que le style est clair et efficace, on obtient un roman très intéressant, dont la portée va au-delà du simple plaisir de lire une histoire.


Pour vous si...
  • Vous n'aimez rien tant que les romans qui posent des questions complexes, sur lesquelles trancher n'est pas chose facile. Parce que, bon, dire que le harcèlement conjugal n'est pas une bonne chose, merci Eric, mais il n'y a pas vraiment pas de débat (ce qui ne veut pas dire que ça n'existe pas...).
  • Vous êtes persuadé qu'une femme peut avoir conservé tout son charme à 60 ans, voire, être au paroxysme de son aura.

Morceaux choisis

"L'intérêt d'un enfant, son bien-être, tenait au lien social. Aucun adolescent n'est une île. Elle croyait que ses responsabilités s'arrêtaient aux murs de la salle d'audience. Mais comment auraient-elles pu s'arrêter là? Il était venu la retrouver, cherchant ce que tout le monde cherche, et que seuls les gens qui croient à la liberté de penser, et non au surnaturel, peuvent donner. Du sens."


Note finale
3/5
(dérangeant)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire