mardi 9 février 2016

De guerre lasse, Françoise Sagan

L'exploration de l'oeuvre de Sagan se poursuit, et oui, les joies d'être monomaniaque...
On reste en temps de guerre, comme dans la dernière lecture en date, Les faux-fuyants, que j'avais beaucoup appréciée.
Mais cette fois-ci, une histoire de triangle amoureux se profile...


Le synopsis

Charles est à la tête d'une entreprise familiale dans le Dauphiné. On peut dire de lui qu'il est un homme léger, amusant, un séducteur avec lequel une aventure ne porte guère à conséquence.
Il est tout l'opposé de son ami d'enfance, Jérôme, engagé dans la résistance et opposant farouche au nazisme.
Lorsque Jérôme présente à Charles son amie, Alice, une attraction naît qui transforme Charles.
Sous les yeux d'un Jérôme déchiré entre la lutte impitoyable contre l'ennemi allemand, et la jalousie qui l'assaille, Alice et Charles se rapprochent, en dépit de leurs différends idéologiques, car Alice partage les convictions de Jérôme, et à cet égard, Charles ne peut guère paraître plus qu'un enfant, lui qui se désintéresse de la guerre.
Il tente néanmoins de protéger Alice des risques que lui fait courir Jérôme en l'impliquant avec lui dans des actes de résistance.

Mon avis

Étrangement, le roman m'a paru assez court! Françoise est diablement efficace, parvenant à poser le contexte et à le retourner à bon rythme, tout ça en 200 pages.

Le ton tranche fermement avec celui employé dans les Faux-fuyants, qui débordait d'ironie et de sarcasme. Ici, les choses sont sérieuses, Charles parfois est peut-être un peu tourné en dérision, mais l'ensemble n'a rien de comique, l'on n'est pas dans une peinture des mœurs mordante et affolante.

Pour autant, les portraits dressés par l'auteur sont tout aussi remarquables : on se figure parfaitement les trois protagonistes, leurs ambitions, leurs émotions, et leurs contradictions.

Le récit avance presque naturellement, l'inévitable se produit, et l'issue est, comme toujours avec Sagan, relativement saisissante.

On se plaît à voir évoluer Charles, de séducteur à deux sous à l'amoureux transi qui vraiment est bouleversé par Alice, lui qu'aucune femme n'a vraiment pu toucher.

Alice est une figure plus trouble, ses atermoiements avec Jérôme ajoutent à la tension du récit et à sa crédibilité : il aurait été improbable qu'elle se jette au cou de Charles dès leur rencontre, mais elle peine à réprimer l'élan qu'elle a ressenti pour lui dès qu'elle l'a vu pour la première fois.

C'est un récit cruel, à bien y songer, mais terriblement réaliste, et imprégné ainsi des accents de la vérité : l'amour est cruel, il n'a guère de mémoire, il peut être si changeant. On en fait, avec Jérôme, la douloureuse expérience.

En bref, De guerre lasse est un bon roman, riche et troublant, dont on ressort mélancolique et presque absent.


Pour vous si...
  • Vous recherchez une version classique du triangle de Twilight
  • Vous avez l'intime conviction que le mec qui gagne les faveurs de la fille est juste le plus beau, et pas le plus bon ni le plus courageux (breaking news! C'est la même chose qu'à l'inverse, en fait : le mec est intéressé par la fille parce qu'elle est canon, pas parce qu'elle est courageuse ou charitable)

Morceaux choisis

"On respecte le malheur, et surtout on pardonne mal au succès; le bonheur des uns n'est jamais supportable longtemps aux autres."

"_Si vous m'aimiez aussi, vous ne partiriez pas. Je n'arrive pas à croire qu'une femme puisse préférer une idée à un homme! Le contraire, si, parce que les hommes sont bêtes ; mais les femmes, non!"

"C'est ainsi que Paris, dans la mémoire de Charles, cessa d'être la capitale des plaisirs pour devenir celle du bonheur."


Note finale
3/5
(cool)

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